L’introduction de la femme dans le travail salarié

Lors de la période 1880-1920, le milieu manufacturier dorénavant électrifier prospère. Plusieurs compagnies prospèrent tant qu’elles possèdent de  nombreuses usines. Ainsi se développe de nouveaux emplois afin de gérer ces grandes entreprises : gestionnaire et bureaucratie. Les femmes croîtront en nombre dans ces postes au fil du temps (secrétaire, téléphoniste, etc.).

À partir de cette période au Québec, la population des villes surpasse celle des campagnes. Au milieu du 19e siècle, les habitants ne peuvent plus agrandir leur terre puis à moderniser et à mécaniser leurs outils. Ce qui les poussera à abandonner leur terre et c’est le début de l’exode rural vers les villes (Montréal, Québec, Trois-Rivières) et le nord-est américain.

Cette transition vers le monde urbain a un impact sur les femmes. À la campagne, elles participent au défrichage, aux travaux de la ferme, entretien du jardin, de la basse-cour, des vaches, l’élevage puis des tâches ménagères et des enfants. Il n’y a pas comme en ville l’eau courante et l’électricité. Elles produisent tout ce que la famille consomme : nourriture et vêtements.

Mais peu à peu, le travail agricole finira par se mécaniser. La modernisation et la mécanisation débute avec des produits comme le beurre et le fromage dont la conception est confiée à des fabriques spécialisées où la femme y est inexistante. Le reste de la production agricole  suivra et de nombreuses tâches associées aux femmes disparaissent. La charge de travail est allégée mais confine la femme à l’univers domestique donc sa place sociale rétrécit.

En ville, de plus en plus de jeunes filles font l’expérience du travail salarié avant le mariage. En 1911, elles représentent 40% des ouvriers en manufactures et 32% dans les services domestiques.

La place des jeunes femmes en usine inquiète le clergé et les syndicats. Le premier évoque la morale prétextant que la femme n’a pas sa place dans les usines et les seconds lui reprochent de faire abaisser les salaires. Effectivement, elles sont exploitées et les chefs ouvriers demandent qu’elles reçoivent le même salaire qu’un homme ce qui inciterait dans leur esprit les employeurs à se défaire de la main d’œuvre féminine. Le gouvernement québécois adopte une loi en 1885 qui interdit le travail en usine aux jeunes filles de moins de quatorze ans (douze ans pour les garçons). Mais l’application de cette loi dans la réalité sera pratiquement inexistante.  De plus, que les travailleuses sont rarement syndiquées. Les organisations syndicales les ignorent et elles occupent souvent des emplois en usine en attendant de se marier ainsi elles sont peu encline à se solidariser.

Il existe quelques exceptions de solidarité ouvrière. Dans le milieu du textile, en 1880, 500 ouvrières de la manufacture Hudon dans Hochelaga en banlieue de Montréal demandent une hausse de salaire et une diminution des heures de travail. Puis en 1908 à la même usine mais qui appartenait dorénavant à la Dominion Textile, les ouvrières débraient pour se plaindre du harcèlement d’un contremaître. 

Entre ces deux conflits, plusieurs arrêts de travail ont lieu à Montréal, Valleyfield, Magog et Montmorency dans le secteur du textile. Dans cette industrie les hommes et les femmes travaillent dans les mêmes ateliers coude à coude et qui accomplissent grosso modo les mêmes tâches. Ce qui a probablement facilité la solidarité  entre ouvriers et ouvrières.

Dans les années 1880 c'est le début de l'accroissement rapide des emplois de cols blancs (bureaux, banques...). C'est aussi le début des centrales téléphoniques: au départ, les jeunes hommes sont jugés impolis et indisciplinés. Rapidement la femme s'approprie cet emploi qui deviendra la mythique opératrice. Après 1900, plusieurs jeunes filles occupent des emplois dans les bureaux (dactylo, commis aux écritures...). Contrairement aux emplois de téléphonistes, les femmes ne remplacent pas des hommes car ce type d'emploi est nouveau.

Dans les bureaux, la femme ont des conditions bien inférieures aux hommes mais les salaires sont plus intéressant que dans les usines et quoi que limité il est possible d'avoir de l'avancement. On s'inquiétera de leur moralité car avec des revenus plus importants, elles pourront s'offrir des sortis aux cinémas et dans les salles de danse, souvent considérés comme des lieux de perdition!

À la fin du 19e siècle s'ouvre plusieurs écoles de formation en travaux domestiques et gagneront en nombre au début du 20e siècle. Elles auront pour but  de former les femmes pour tenir une maison en monde rural, en ville où l'on craint que le travail salarié des femmes corrompre la famille et pour le travail auprès de famille riches qui recherchent des domestiques bien formés. Ces écoles offraient une formation primaire puis ensuite il était possible de poursuivre des études supérieures en sciences domestiques. Ce qui pouvait mener à des emplois très prisés de diététiciennes surtout lors de la 1ère guerre mondiale où l'on a besoin de spécialistes pour l'approvisionnement. Devenir enseignante était un autre débouché malgré que  les communautés religieuses s'approprient la plupart des postes et en plus les enseignantes sont mal payées dû à la pingrerie des commissaires scolaires.

Le métier d'infirmière est en plein essor. Plusieurs écoles sont créées. On s'inspire de l'école de Florence Nightingale fondée au milieu du 19e siècle en Angleterre. Cependant les emplois sont majoritairement occupés par des religieuses. Donc, en dépit, plusieurs après leur formation se trouvent un emploi comme personnel domestique.

À l'arrivée du 20e siècle, les problèmes d'hygiène publique sont criants: mortalité infantile, tuberculose, etc. Progressivement, les municipalités, des associations caritatives et autres organisations engageront des infirmières hygiénistes qui iront rendre visites aux familles des milieux défavorisés pour prodiguer des soins et conseils auprès des femmes enceintes, bébés, écoliers...bref éduquer les masses populaires en hygiène. D'ailleurs, les femmes sont souvent l'instigatrices d'initiatives pour contrer la mortalité infantile, en 1901 Anne-Marie Gleason fonde avec le soutien de quelques médecins la "Goutte de lait" où les mères de familles défavorisées pourront venir y chercher du lait pasteurisé.

Même si on encourage les jeunes femmes a étudier, il demeure que plusieurs domaines demeurent des chasses gardés masculines comme le droit et la médecine. L'université McGill accepte les femmes à partir de 1884 mais seulement dans la faculté des arts. Cinq ans plus tard, le riche magnat du chemin de fer Donald Smith fait un don important à cette même université en échange de créer un collège pour les femmes (Royal Victoria College). Créant ainsi une ségrégation entre hommes et femmes. Cependant, la présence des femmes sur le campus deviendra chose normale. Les femmes seront admisses en droit à McGill en 1911 sans pouvoir pratiquer ensuite. Annie Macdonald Langstaff est la première diplômée en 1914. En 2006, le barreau du Québec l'admettra finalement à titre posthume.

Chez les francophones, il n'existe pas de collèges classiques pour les filles. En 1908, les autorités civiles et ecclésiastiques s'entendent pour la création d'un lycée laïque pour filles mais les réticences de l'église feront que l'école ne sera ouverte qu'en 1926 (collège Marguerite-Bourgeoys). En 1925, l'université de Montréal accepte la première femme dans sa faculté de médecine Marthe Pelland. Irma Levasseur qui a obtenu son diplôme à l'université de Saint-Paul au Minnesota en 1900 devient la première canadienne-française à pratiquer ce métier. De retour au Québec, elle devra attendre jusqu'en 1930 pour que l'ordre des médecins du Québec autorise les femmes à pratiquer. Madame Levasseur appuyée par un comité de dames bourgeoises francophones fondent l'hôpital pour enfants Sainte-Justine.

On considère tout de même plus naturel pour la femme de pratiquer dans le milieu de la santé puisqu'étant plus près de sa "nature" puisqu'étant discret contrairement au droit où une femme plaide devant un juge!

Au début du 20e siècle, dans le monde industrialisé où les inégalités envers les femmes donnent la justification à la revendication du droit de vote. Le clergé canadien-français divisera pour régner en suggérant que le féminisme est une importation des anglophones qui menace la famille traditionnelle. En 1917, le premier-ministre du Canada Robert Borden accorde le droit de vote aux parentes de soldats (mères, filles, épouses, sœurs) et aux infirmières militaires. Plusieurs y ont vu une manœuvre du premier-ministre pour aller chercher plus de votes lors des élections fédérales de la même année dont l'enjeu principal est la conscription. Quelques ténors féministes dénoncent cette mesure qui vise seulement une catégorie ciblée et non l'ensemble des femmes. Puis en 1918, le gouvernement canadien octroie le droit vote aux femmes sauf aux asiatiques et autochtones. La contribution des femmes dans l'effort de guerre lors du premier conflit mondial a été capitale: l'armée canadienne engage 3000 infirmières; plus de 35 000 femmes travaillent dans les usines d'armement principalement à Montréal.

Au Québec, il faudra attendre le 25 avril 1940 pour que le premier-ministre Adélard Godbout accorde le droit de vote aux québécoises.

Aujourd’hui, il serait grand temps de remplacer le raciste notoire John A. McDonald de nos billets de banques par une femme comme Irma Levasseur!

Janvier 2017

 

Bibliographie :

« Brève histoire des femmes au Québec » de Denyse Baillargeon. Éditions du Boréal. 2012

« De fil en aiguille » de l’Atelier d’histoire Hochelaga-Maisonneuve. 1985.