Histoire de Saint-François...la genèse de Laval

 

 

 

Premier chapitre –  De la prise de possession de l’île par les Jésuites en 1636 à la construction de la première église en 1706

 

En janvier 1636, la compagnie des Cents-Associés cède l’île Jésus aux Jésuites. En septembre 1638, on consacre le tout  par la célébration d’une messe en présence du Gouverneur Montmagny et du jésuite Paul Le Jeune. On présume que cette cérémonie eut lieu à la pointe est de l’île. Ainsi, Saint-François est le seul endroit exploré de l’île. Depuis 1641, les années qui suivent sont marquées par la guerre contre les Iroquois.

 

Rappelons-nous qu’en 1689, les Iroquois sèment toujours la terreur un peu partout dont  sur l’île Jésus. Plusieurs y perdirent la vie. En 1690, un petit fort fait de pieux et flanqué de deux redoutes en maçonnerie sera érigé.

 

La colonisation en général n’a peu de succès en raison de cette menace. Vivre hors des fortifications de Montréal était très périlleux. En juillet 1690, 200 Iroquois descendaient la rivière des Prairies et une trentaine d’habitants de la Pointe-aux-Trembles se portèrent à leur rencontre aux environs de la Coulé Grou. Le combat fut furieux : les Iroquois y perdirent une trentaine d’hommes tandis que les Français en perdirent environ quinze. Le reste du groupe fut fait prisonnier. Les Iroquois traversèrent à l’île Jésus pour y semer la terreur et la destruction. Ils y brûlèrent six à sept maisons. Les familles prévenues de leur arrivée s’étaient réfugiées dans les bois ou au fort de la Lachenaie. La moitié de leurs prisonniers y furent torturés, scalpés et brûlés vifs. Le reste des prisonniers allaient subir le même sort une fois arrivé dans le village iroquois.

 

Seigneurs de 1636 à 1672, les Jésuites seront désintéressés de l’île. Leurs préoccupations se portaient sur l’établissement d’un collège classique (le petit Séminaire de Québec) et à la fondation de Ville-Marie (Montréal) dont la prospérité s’étendrait éventuellement jusqu’à l’île Jésus.

 

 

 

Après 36 ans d’inactivité, l’île Jésus est cédée à François Berthelot conseiller du roi en 1672. Il semble que cette transaction était déjà prévue. Puisqu’en 1670, une terre et un manoir sont mis en exploitation par l’intendant Jean Talon pour et aux frais de Berthelot. Berthelot espérait que sa propriété soit reconnue comme baronnie et que le titre de baron lui soit octroyé. Jean Talon reçoit 10 000 livres de François Berthelot en août pour « lui faire une terre » sur l’île Jésus. Talon envoie Jean Frizon commencé l’exploitation. Berthelot ne viendra jamais en Nouvelle-France et n’aura jamais son titre de baron.

 

Depuis 1670, Jean Talon y avait établi une petite exploitation comprenant un manoir, une ferme, un moulin à scie et un fort pour repousser les attaques iroquoises. Le site attire ses premiers habitants à partir de 1672. Ce n’est qu’en 1677 que l’on voit les premières concessions.

 

Seigneur de l’île depuis 1672, Berthelot cherche déjà à échanger sa propriété contre une autre plus développée. En avril 1675, il l’échange avec 25 000 livres à Monseigneur de Laval contre l’île d’Orléans qui était une propriété de la même taille.

 

Monseigneur de Laval échange l’île d’Orléans contre l’île Jésus alors que celle-ci n’a aucune valeur puisque pas défrichée. Cependant, il reçoit de Berthelot 25 000 livres. Puis, il espérait monnayer l’île Jésus en l’a vendant aux Sulpiciens, seigneur de Montréal. En 1685, Monseigneur de Laval chercha à vendre l’île Jésus aux Sulpiciens pour qu’ils y transportent leur réserve et mission de conversion d’Amérindiens afin de les éloigner de la boisson et du vice des « blancs ».

 

 

 

Monseigneur de Laval fera don de l’île Jésus au séminaire de Québec en 1680.

 

La vocation du Séminaire était à la formation des jeunes clercs et à la constitution d’une communauté de prêtres destinés à servir le clergé diocésain. Le Séminaire de Québec est fondé en 1663 par Monseigneur de Laval. Le Séminaire relevait du Séminaire de Paris. La grande majorité des membres du Séminaire viennent de France. L’institution et ses membres apparaissent comme des étrangers pour les colons.

 

Les premières concessions remontent à 1677 et 1680. Ce n’est qu’au début du 18e siècle que le Séminaire commence à en concéder de façon systématique. Avant, depuis 1675, il n’y avait sur l’île Jésus que les employés de la ferme comme habitants.

 

Monseigneur de Laval entend mettre en valeur sa nouvelle propriété : On concède un bail à ferme de la terre seigneuriale à Guillaume Labelle et Olivier Charbonneau en octobre 1675. Olivier Charbonneau travaillera à l’exploitation des terres du manoir de l’île Jésus avec son gendre Guillaume Labelle. D’autres les suivent à titre de pionniers : Jean-Baptiste Pilon, Nicolas Bourgeois et André Cyr.

 

Le Séminaire s’occupera de fournir les services du culte et de procurer certains équipements aux employés de la ferme et aux colons.

 

En 1680, on dénombrait alors que trois à quatre familles pour un total de 24 personnes. Suite au massacre de Lachine en 1689, les Iroquois sèment la terreur pendant trois ans sur l’île, la population chutera à 13 personnes en 1698. Suite à la signature de la Grande Paix de 1701, on commence à s’organiser sur l’île. En 1707, on compte 175 habitants.

 

Le recensement de 1681 indique la présence de quatre familles, celles de Olivier Charbonneau et celle de son gendre Guillaume Labelle et puis celles de Michel Buisson et de Léonard Éthier. Charbonneau était un agriculteur en France. Il arrive à Montréal en 1659 avec sa femme Marie Garnier et leur fille Anne, épouse de Guillaume Labelle qui sera l’ancêtre du « Roi du Nord », le curé Antoine Labelle.

 

Aux 17e et 18e siècles, les débuts de Saint-François sont aussi les débuts du développement sur l’île Jésus sous l’égide du Séminaire de Québec. Ce quatrième et véritable seigneur y établit cinq domaines. Dont, le « domaine principal » situé à la pointe est de l’île où l’on y retrouvera un moulin à scie, une ferme, un manoir, une chapelle et un fort à deux redoutes.

 

 

Le manoir était un bâtiment de 34 pieds de long. Comprenant deux pièces munies de  cheminé et un magasin (remise). On retrouvait un bâtiment de même dimension qui servit d’étable. Le manoir est la demeure du seigneur ou de ses représentants dans ce cas-ci. Il était fréquent de trouver près d’un manoir : église, moulin, couvent, four, etc. L’habitant du manoir (seigneur) devait favoriser l’épanouissement de la vie religieuse, sociale et agricole. Le manoir servit de résidence au curé jusqu’à l’inauguration d’une première chapelle en 1685. Le premier manoir fut incendié et détruit en 1721. Un second fut bâtit de pierre. Aucun de ses bâtiments n’a laissé de trace. Il semble qu’aucun d’eux n’eut l’apparence d’un manoir bien seigneurial, il était plutôt sobre.

 

Le 29 juin 1685, une chapelle est bénite et sera appelée « Très Saint-Enfant-Jésus ». Son premier desservant sera le curé de Repentigny, Pierre Volant de Saint-Claude.

 

La « berge Olivier-Charbonneau » située sur la pointe nord-est, nous rappelle le début du peuplement de l’île Jésus. Cette chapelle fut en fonction jusqu’à la construction de la première église en 1706. Cette église allait aider à obtenir le statut de paroisse (1721). Ce qui permettra d’avoir un curé en permanence et d’être reconnu civilement.

 

En 1695, le curé de Repentigny demande à ce que les habitants de l’île Jésus ou le Séminaire de Québec lui paient ses dîmes. En France, la dîme n’existe pas. Là bas, l’état y pourvoyait en percevant une taxe peu populaire. En Nouvelle-France, le Conseil Souverain percevait le 13e et plus tard le 26e de la production venant de la terre. Ainsi, la cour royale pouvait avec un supplément royal aider le clergé qui le lui redistribuait à ses prêtres. Cette contribution de l’état amena son ingérence dans les affaires du clergé. Certains gouverneurs souhaitaient que les curés soient inamovibles comme en France. Ce qui donnait au pouvoir civil plus de poids face au clergé en soutenant parfois un curé contre son évêque. Cependant, l’état ne nommait pas les curés, mais pour une cure vacante, il pouvait désigner trois candidats parmi lesquels l’évêque aurait à choisir.

 

À partir de 1700, le nombre de colons ne cesse d’augmenter. La petite chapelle ne suffit plus. Monseigneur de Laval autorise en 1706, la construction d’une église de pierre à proximité du manoir.

 

Au début du 18e siècle, le Séminaire commence à octroyer des concessions sur une base systématique. En 1700, on concède 19 terres le long des deux rivières à partir de la pointe est de l’île. Dès lors, on estima que l’île Jésus méritait plus qu’une mission. En 1706, on obtient l’autorisation de bâtir une église. On tenait des registres de baptêmes, mariages et sépultures depuis 1702 dans la petite chapelle qui datait de 1685.

 

Avant la construction de l’église, les missionnaires tenaient depuis 1702 les registres des baptêmes, mariages et sépultures. Ce qui est la première forme de gestion locale du territoire.  En mai 1706, la bénédiction de la première pierre est faite et on consacre le nom de la première église : Saint-François-de-Sales. La première église était sur le « Domaine principal ».

 

Le « Domaine principal » sera le cœur de la seigneurie jusqu’au milieu du 18e siècle. Sur la ferme, on retrouve les fermiers engagés Charbonneau et Labelle. L’exploitation de ce domaine s’avéra continuellement déficitaire. Malgré que les terres soient fertiles, on était trop loin des circuits économiques.

 

 

Deuxième chapitre – De la construction de la premièr église en 1706 à la suppression de la paroisse en 1807

 

Au début du 18e siècle, le Séminaire de Québec commence à développer l’île. On commence par concéder des terres. On concède des terres d’est en ouest, de proche en proche le long des deux rivières. Avant que les rives ne soient complètement concédées, le Séminaire ouvre des côtes, c.-à-d. des chemins, au centre de l’île. On préférait concentrer la population dans l’est de l’île, et de cette façon, relativement près de l’église et du moulin.

 

 

 

La ferme du Domaine devait fournir des produits agricoles au Séminaire de Québec. Cependant, celui-ci possédait déjà une exploitation agricole plus près de Québec à Saint-Joachim.

 

En 1716, le Séminaire construit sur son « Petit Domaine » un moulin appelé « le moulin d’en bas » ou « le moulin de Saint-François ». Ce moulin fut incendié en 1721 puis reconstruit. Ensuite, il fut emporté en partie par les glaces au printemps en 1723. Le Séminaire fut poussé au bord de la faillite puisque le manoir, la ferme et l’église furent également la proie des flammes. La reconstruction de tous ces immeubles pesait financièrement très lourd. Malgré les incendies, la récolte des grains fut préservée, mais à quoi bon…Le Séminaire est trop loin (Québec) et écouler cette marchandise à Montréal serait non rentable puisque là-bas les récoltes furent très bonnes et le prix du grain était très bas.

 

 

 

 

 

La paroisse est officiellement créée en 1721, elle s’appellera Saint-François-de-Sales.

 

La grande paix de 1701 permettra le développement de l’île…dont son réseau routier. L’intendant de la colonie, Gilles Hocquart confie à Eustache Lanouiller de Boisclerc la tâche de créer des chemins « carrossables »…des chemins « royaux », « chemin du roi ». Ce type de chemin est de 24 pieds de largeur et est flanqué par deux fossés. Boisclerc est à l’île Jésus en 1733, il ordonne la construction des chemins qui seront appelés plus tard les boulevards Lévesque et des Mille-Îles. Dans l’axe nord-sud apparaît la montée du Domaine en 1735, permettant aux habitants de la rive nord d’aller faire moudre leur grain au moulin. Ce chemin est appelé depuis 1960 « la montée du moulin ». En 1770, les habitants de Terrebonne exigent un chemin menant jusqu’à la rivière des Prairies, l’année suivante la montée Masson est ouverte.

 

 

 

En 1739, la population de l’île n’est pas très nombreuse, mais elle commence à être éparpillée. Certains colons commençaient à être très loin de leur église. Ils allaient à l’église de Terrebonne au nord et à celle du Sault-au-Récollet au sud puisqu’étant plus près. La même année, l’église de Terrebonne nécessite plusieurs réparations et l’on veut faire payer une partie à ceux de l’île Jésus. Dès lors, on jugea que l’île Jésus méritait un autre lieu de culte : on fonde Sainte-Rose en 1740 et Saint-Vincent-de-Paul en 1743.

 

Après l’incendie de l’église de Sainte-Rose en 1768, l’évêque de Québec, monseigneur Briand, déménage la paroisse de Sainte-Rose et fait construire une église quatre miles plus à l’ouest. Des habitants de Sainte-Rose s’y opposent. L’évêque supprime la paroisse. La partie est de Sainte-Rose sera dorénavant rattachée à Saint-François.

 

Le Séminaire aura du mal à rendre rentable son « Domaine principal ». Il tenta de l’opérer lui-même en engageant des fermiers domestiques. Puis, on se résout à vendre en 1736. On ne trouvera pas d’acheteur avant 1749 en la personne de Charles Rhéaume, un marchand de Montréal. Rhéaume louera aussi le moulin de Saint-François.

 

Au milieu du 18e siècle, le centre d’activité de l’île Jésus change et se déplace vers l’ouest de l’île. La création de deux nouvelles paroisses (Saint-Vincent et Sainte-Rose), puis l’apparition de nouveaux moulins sur l’île font perdre de l’importance à la paroisse de Saint-François.

 

En 1759, le Séminaire de Québec appointe le curé Pierre Marchand à la cure de Saint-François.

 

En 1772, le Séminaire construit un moulin au « Domaine du Gros-Sault », i.e. à Laval-des-Rapides, sur le bord de la rivière des Prairies. On trouvait en ce lieu que le débit de la rivière était parfait pour y ériger un moulin.

 

 

 

 

 

En 1807 l’église est fermée. Cette fermeture coïncide avec le décès du curé Marchand. D’ailleurs, l’église était rendue en piètre état et nécessitait de grands travaux et les habitants de Saint-François étaient trop peu nombreux pour en assumer la charge. La population réclame d’être rattachée aux paroisses voisines. La paroisse sera supprimée en 1807.

 

En 1814, le mobilier de l’église est réparti entre les églises de Terrebonne, Lachenaie et Rivière-des-Prairies. L’année suivante, l’église n’est plus que ruine, mais n’est toujours pas démantelée.

 

Il faudra attendre les années 1840 pour voir la paroisse réapparaître avec une nouvelle église.

 

 

 

 

Troisième chapitre – De la suppression de la paroisse en 1807 à l’érection civile de 1855

 

Au début du 19e siècle, l’église est de plus en plus en mauvais état. Les paroissiens ne sont guère nombreux pour assumer les coûts de reconstruction. D’ailleurs, on pense à la rebâtir ailleurs, mais personne ne s’entend sur le lieu. De plus, le curé Pierre Chartrand en poste depuis 1759 meurt en 1806. Les paroissiens demandent la suppression de la paroisse ce qui fut fait en 1807. Les paroissiens iront dans les églises avoisinantes : Saint-Joseph de Rivière-des-Prairies, Saint-Charles-de-Lachenaie et Terrebonne.

 

L’église actuelle est située à l’extrémité ouest de Saint-François sur le boulevard des Mille-Îles à un emplacement appelé le « Domaine devant Terrebonne ». Il s’agit de la 2e église de Saint-François.

 

La construction d’un pont, celui de Terrebonne, en 1834, concourt à relancer le développement de Saint-François. Vers 1840, plusieurs terres sont en exploitation près du pont.

 

 

 

 

En 1837, la population de Saint-François demande la construction d’une nouvelle église plus au centre de la paroisse vis-à-vis Terrebonne. Bien que l’église de Terrebonne soit proche, les gens se plaignaient des frais de passage sur ce pont pour aller assister au culte.

 

Vers 1840, le gouvernement décide d’incorporer et d’ériger les paroisses en entités municipales. Le haut clergé incite les gens de Saint-François à désirer le rétablissement de la paroisse. Ce qui fût fait en 1847.

 

En 1844, la construction de la nouvelle église débute et se termine en 1851. On y ignore qui en est l’architecte. Tout près, on y bâtit un presbytère, une école, un magasin général et autres commodités qui constitueront la place publique de Saint-François-de-Sales.

 

 

En 1855, Saint-François se prévaut d’un statut de municipalité. Son premier maire sera Jean-Pascal Persilliez dit Lachapelle.

 

Un problème surgit du passé! La nouvelle église est voisine d’une étable. Comme en 1749 à l’ancienne église, on se plaignait d’une étable construite trop près et l’odeur du pâturage se rendait jusqu’à l’intérieur du temple. En 1856, le curé Giroux se plaint du laxisme de certains habitants qui font paîtrent leurs animaux aux portes de l’église! Il était chose commune de voir un veau dans le temple! Ce qui soulevait l’ire du curé Giroux (curé de 1848 à 1856).

 

Durant les années 1850, plusieurs protestants anglophones vinrent travailler dans les carrières de pierres de Saint-François. À l’époque, il y eut un sujet de discorde au sein de la population de Saint-François : celui de l’ouverture éventuelle d’auberges. Le curé s’y opposa craignant l’égarement et le vice. Cependant, le maire se servit du prétexte de l’arrivée de ses nouveaux ouvriers anglo-protestants. Afin de les loger, il permit l’établissement de deux auberges près du pont de Terrebonne.

 

Pendant le 19e siècle et le début du 20e siècle, la faible concentration de la population nous amène à qualifier Saint-François de hameau plutôt que de village. On y retrouve très peu de professions libérales. Cet état de choses découle de la proximité d’un bourg bien structuré, Terrebonne. À Saint-François, on pouvait y voir un semblant concentration de population sur une dizaine de terres.

 

Depuis longtemps, l’économie est si tributaire de Terrebonne, quand les habitants de Terrebonne exigent un chemin « carrossable » menant jusqu’à la rivière des Prairies, ce chemin est créé l’année suivante en 1771 : la montée Masson.

 

Quatrième chapitre – Les carrières de l’île Jésus et de Saint-François

 

En 1855, Saint-François qui est alors une municipalité élit sont premier maire Jean-Pascal Persilliez dit Lachapelle. Au conseil municipal un des premiers sujets à diviser la population fut l’approbation pour l’établissement d’auberges dans les années 1870. Le curé s’opposait à ce projet craignant le désordre et l’immoralité! Le litige se dénoua quand un nouveau phénomène se manifesta à Saint-François : il y avait beaucoup de travailleurs anglo-protestants de l’extérieur de la paroisse qui travaillaient dans les carrières. Ça prendrait un lieu pour les loger. Cet ainsi que le maire Masson trancha pour allouer la permission d’y tenir auberge à proximité du pont. Une première auberge apparue en 1873 et une seconde en 1874. Le curé Watier s’inquiète de ses protestants. Il écrit en 1873 à l’évêque de Québec monseigneur Bourget quant à savoir s’il devait célébrer la messe de minuit à Noël. Il rapporte quelques altercations entre des habitants de la paroisse et ces protestants enivrés. Le curé craignait les voir surgir le soir de Noël! Ce qui nous amène à parler de la place des carrières dans Saint-François et l’île Jésus (Laval).

 

 

Plusieurs édifices historiques de Montréal et des environs sont faits de la fameuse « pierre grise de Montréal » : le calcaire provenant de carrières montréalaises et lavalloises.

 

 

Jusqu’à la fin du 19e siècle, la fameuse « pierre grise » est taillée par des tailleurs de pierre afin d’en faire des blocs de pierre taillée (pierre de taille). Pour construire des maisons, ce genre de pierre servait aux fondations et au parement des murs.

 

 

 

Au début du 20e siècle, le béton et l’acier vont remplacer peu à peu le calcaire pour la construction d’édifices. Dès lors, la pierre grise sera concassée en grande quantité : L’étalement du chemin de fer exige beaucoup de pierre pour servir de ballast aux rails. Et l’introduction de l’automobile et des réseaux routiers exige aussi beaucoup de pierre pour macadamiser les chemins. D’ailleurs en 1911, le gouvernement du Québec octroie des subventions aux municipalités pour ériger des chemins. Ainsi, le chemin de fer et l’automobile permettront l’essor des carrières de l’île Jésus. La proximité du marché montréalais et la présence du chemin de fer faciliteront l’acheminement de la pierre.

 

En 1851, l’agriculture est l’occupation principale des habitants, mais apparaissent les premiers tailleurs de pierre. En 1871, on recense deux tailleurs de pierre à Saint-François, mais il y en a une centaine qui provient de l’extérieur. Vers 1901, on recense cinq charretiers qui étaient sûrement affectés au transport de la pierre.

 

C’est au 20e siècle que disparaissent les petits exploitants pour laisser la place à des grands exploitants ayant le capital afin de mécaniser le travail. Ils atteindront un niveau de production jamais vu auparavant. La famille Charbonneau de Saint-François s’est transmis ce savoir-faire sur plusieurs générations de 1925 à 1990.

 

Le travail dans les carrières est saisonnier. Les activités cessent vers le mois de novembre puisque la pierre risque de s’abîmer par le temps froid.

 

Au début du 20e siècle, le salaire variait de 2.50 $ à 4.00 $ par jour selon la qualification.

 

Le métier comporte ses risques. La manipulation d’explosifs et de détonateurs accroît les risques d’accident. Suite à l’introduction de la mécanisation, les accidents sont dès lors dus au maniement de la machinerie.

 

Les accidents mortels sont principalement causés par les mouvements des wagons, l’électrocution et le dynamitage. On en compte un grand nombre parmi les travailleurs peu expérimentés.

 

La pierre extraite d’une des carrières de Saint-François, la carrière Charbonneau fût utilisée pour la construction des piliers du pont Jacques-Cartier (1925-1930) et au rajout de la nouvelle aile du Château Frontenac à Québec.

 

Cinquième chapitre – Histoire des moulins au Québec, sur l’île Jésus et à Saint-François

 

Depuis que l’homme vit en groupe, c.-à-d. en village, le moulin à jouer un rôle capital dans le développement de la collectivité humaine à l’échelle de la planète. Les premières collectivités, les premières civilisations se sont développées près des voies d’eau. Le pouvoir de l’eau permettra d’actionner les premières roues à aubes, c’est la naissance de l’énergie hydraulique.

 

Grâce au pouvoir de l’eau, et éventuellement celui du vent, on pourra faire fonctionner une série d’engrenage qui mettra en action divers outils. Donnant naissance aux moulins à farine, à scie, à carder et fouler la laine. Répondant à trois besoins essentiels à l’existence d’un village : se nourrir, se loger et se vêtir.

 

Au Canada, à l’époque de la Nouvelle-France, c’est le régime seigneurial qui prévaut. Sous ce régime, les autorités confient la gestion du territoire à des seigneurs. Donc, les villages en Nouvelle-France sont tous sous l’autorité d’un seigneur. Les villages sont ainsi appelés seigneuries.

 

Les habitants d’une seigneurie avaient l’obligation d’aller faire moudre leur grain au moulin du seigneur. Une fois le blé transformé en farine, l’habitant laissait une part (le 1/14) pour le seigneur, c’était la forme de taxation.

 

 

Le meunier était un personnage intéressant. Il est souvent meunier et constructeur de moulin à la fois. Il possède le talent de charpenterie, de la forge, de la maçonnerie et celui d’imaginer un système d’engrenage qui feront actionner divers outils.

 

Quand vient le temps de bâtir un moulin, il devait choisir le type de moulin : à eau ou à vent. Le moulin à vent avait l’avantage de coûter beaucoup moins cher que le moulin à eau qui nécessite de construire une digue. Cependant, le vent peut se faire discret! Tandis que rarement a-t-on vu une rivière arrêtée de couler! L’entretien du moulin à eau devenait compliqué en hiver, il fallait aller casser la glace à proximité du moulin pour éviter qu’elle endommage sa roue à aubes.

 

 

Le meunier avait pour obligation de moudre le grain d’un habitant dans un délai de 48 heures. Si le délai dépassé, l’habitant pouvait aller dans un autre moulin et d’une certaine façon aller payer ces taxes ailleurs! Ainsi, le meunier avait comme directive de travailler tant qu’il y avait du grain à moudre. Il n’était pas rare de voir le meunier somnoler après plusieurs heures et mêmes journées consécutives de labeur. Une chanson nous rappelle ce phénomène, « meunier, tu dors, ton moulin va trop vite… ».

 

Le métier de meunier était très difficile : le travail se passe dans un endroit clos avec de la poussière de farine en suspension dans l’air. Ainsi, le meunier a habituellement les yeux rouges, puisqu’irrités. Le meunier respire cette poussière également, les poumons sont également affectés causant une toux creuse. Parfois, des accidents mortels se déroulaient dans un moulin. Dès lors, on qualifiait ce lieu de « moulin rouge ».

 

Le meunier était requis d’habiter le moulin ou dans une habitation à côté. Ce qui explique, le fréquent phénomène de passation du savoir-faire de père en fils. D’ailleurs, le seigneur exigeait que le meunier prenne un apprenti. Le meunier avait pour obligation de lui fournir des vêtements, le gîte, repas et veiller à ce que l’apprenti soit informé des mystères de la religion.

 

Les moulins, comme le métier de meunier, disparaîtront peu à peu lors de la révolution industrielle au milieu du 19e siècle, en raison de nouvelles sources d’énergie : l’électricité et le moteur à combustion.

 

Les moulins de l’île Jésus et de Saint-François…

 

Sur l’île Jésus, les premiers efforts de colonisation ont lieu dans les années 1675-1680 à la pointe est de l’île dans ce qui deviendra la première paroisse : Saint-François-de-Sales. On y érige le « Domaine Principal » appelé aussi le « Domaine de la ferme », puisqu’une ferme y est mise en exploitation. Cependant, l’état de guerre contre iroquois empêche tout développement de seigneuries et villages à la grandeur de la colonie. Avant la « Grande Paix de 1701 », les habitants de la Nouvelle-France vivaient dans ou près de fortifications. Après cette paix, dans la région de Montréal entre autres, des petits bourgs, villages et petites seigneuries prennent vie.

 

En 1706, une première église est bâtie à Saint-François. En 1721, Saint-François est officiellement une paroisse.

 

 

L’île Jésus compte à l’époque une multitude de petites îles. Plusieurs d’entre elles, on y coupe du foin et on y envoi faire paître les animaux. Pour le séminaire, ces îles sont d’un intérêt indéniable en raison du pouvoir de l’eau pour éventuellement y bâtir des moulins.

 

Près d’un de ces îlots, un premier moulin sur l’île Jésus est bâti en 1716, « le moulin de Saint-François » on l’appellera aussi « le moulin d’en bas ». Il est bâti sur ce qu’on appelait le « Petit Domaine ». Il était d’une dimension de 60 par 30 pieds puis possédait deux moulanges (c.-à-d. deux paires de meules). Le meunier résidait dans le moulin avec sa famille. Le moulin comprenait une pièce servant de chapelle et une autre servant de salle paroissiale. Ce moulin aura la vie dure : il est endommagé par la crue des eaux printanières et les glaces en 1723. Le moulin sera à nouveau endommagé par les glaces en 1804 et 1829. On rapporte en 1736 que le meunier François Quenneville avait reçu une terre pour la mettre en culture afin de nourrir sa famille. Un certain Louis Beaulieu y est meunier en 1768. À l’hiver 1774, le moulin n’a pas fonctionné. Dans un rapport de 1792, on précise que ce moulin a été arrêté six hivers sur sept. Pour donner accès à ce moulin aux gens habitants du côté de la rivière des Mille-Îles, on ouvre un nouveau chemin en 1735 : la Montée du Domaine qui s’appelle la montée du Moulin depuis 1960. Le moulin sera incendié au début du 20e siècle puis abandonné et laissé à lui-même.

 

 

En raison des dommages causés au moulin et des incendies ayant endommagé la ferme du « Domaine Principal », le séminaire doit débourser d’énormes sommes pour réparer et reconstruire. Pour éponger ces dettes, il vend la ferme et loue le moulin de Saint-François à un marchand de Montréal en 1749.

 

En 1767, le moulin du « Petit Domaine » est à nouveau grandement endommagé par les glaces et les réparations prévues seront très longues. Pour pallier à ce manque, on construit en 1768, « le moulin de l’îlet Bourdon » sur le site du « Domaine devant Terrebonne » à proximité du futur pont de Terrebonne. On dénote la présence d’un meunier en 1786 nommé Pirsque Legris. Ce moulin fonctionna jusqu’en 1793. On le démolit au début du 19e siècle.

 

L’entretien des moulins sur l’île Jésus laisse à désirer. La situation change quand on  décide d’attirer les marchands de blé sous l’administration de Joseph Papineau. À l’arrivée du moulin du Gros-Sault, tout changera. Le séminaire confiera tout au long de son histoire la gestion des moulins à des marchands qui eux sous-louent à des meuniers.

 

 

Le séminaire avait identifié le lieu du Gros-Sault (Laval-des-Rapides) pour éventuellement y bâtir un moulin en 1772. Avant, l’endroit était exclusivement une réserve de bois à la disposition du séminaire. Ce moulin comptait deux moulanges à farine et une scierie. Louis Beaulieu y est meunier à partir de 1797. En 1808, on construit à côté de l’ancien un nouveau moulin, « le moulin du Crochet », il sera muni de trois moulanges à farine. Plus tard, le séminaire y ajoute un moulin à carder et à fouler la laine. En raison de toutes les activités produites par ce complexe de moulins, le « Domaine du Gros-Sault » devient le centre des activités de l’île Jésus. À la fin du 18e siècle, le « Domaine du Gros-Sault » a supplanté celui du « Petit Domaine ». Le séminaire gardera toujours son droit sur la réserve de bois. D’ailleurs, dans son contrat une des tâches du meunier au « Domaine du Gros-Sault » pouvait ressembler à celles d’un garde forestier : de veiller sur la forêt!

 

 

Jusqu’au milieu du 19e siècle, Saint-François est davantage un hameau qu’un village, puisqu’on retrouve qu’une seule concentration d’habitants sur une dizaine de terres situé dans le « Domaine devant Terrebonne ». Cependant, on peut dénoter un second embryon de village, complètement disparu aujourd’hui, autour du « moulin Turgeon », vis-à-vis l’île Saint-Jean : on y comptait une dizaine d’emplacements répartis sur deux terres. Au début du 20e siècle, ce moulin est appelé le « Moulin des Juifs » puisque des juifs y cardaient le coton. À cette époque le propriétaire du moulin est le bourgeois montréalais Simon Mc Tavish. Le moulin fut démoli vers 1920.

 

D’autres moulins, dont les informations sont pratiquement inexistantes, ont été recensés, ils furent construits au début du 19e siècle et démoli à la fin du même siècle. Il y avait le « moulin de Madame Cusson », Il était situé vis-à-vis de l’île-aux Vaches. Puis le « moulin Desbiens » qui était en face l’île Lamothe à l’est du pont David (autoroute 335).

 

Le recensement de 1901 rapporte qu’il y a à Saint-François deux meuniers et un gérant de moulin.

 

Sixième chapitre – De l’érection civile de 1855 à la fusion et création de la Ville de Laval en 1965

 

 

Dans l’histoire du Québec, un moment important est à souligner : l’abolition du régime seigneurial et l’érection des anciennes paroisses en municipalités en 1855.

 

À l’époque de la Nouvelle-France, la France n’avait pas l’intention d’enfouir des grosses sommes pour peupler sa nouvelle colonie. Au début du 17e siècle, on octroie à des marchands des monopoles de traite des fourrures sur des territoires précis. En échange les marchands assumaient les frais de colonisation de leurs territoires obtenus du Roi de France. Ce système échouera, les marchands investiront un strict minimum dans la colonisation et le maximum dans le commerce des fourrures. Résultat, la Nouvelle-France est à peine peuplée. En 1663, on change de méthode en instaurant un réel pouvoir civil. Sur ces territoires, appelés seigneuries, le pouvoir seigneurial sera souvent entre les mains des communautés religieuses. Menées en Amérique par une ferveur religieuse, celles-ci avaient aussi les moyens financiers d’opérer ces seigneuries. On comptera aussi des seigneurs issus de la classe marchande ayant un réel intérêt pour le développement de la colonie.

 

Après la « conquête » (1760-1763), l’élite de la colonie qui était française quitte pour la France. Dorénavant, l’élite économique et politique sera anglaise. Néanmoins, le régime seigneurial sera maintenu.

 

À travers les époques, les divers seigneurs ont un pouvoir qui leur a été octroyé par le roi…et le roi tient son pouvoir de droit divin!

 

L’ancienne élite française à l’époque de la Nouvelle-France et la nouvelle élite anglaise qui lui a succédé avait des privilèges tels que : tirer des impôts, taxer des activités comme la traite de la fourrure et la pêche, etc.

Peu à peu, des gens se questionneront sur la légitimité de ce droit divin à diriger. À la fin du 18e et au début du 19e siècle commence à naître une bourgeoisie locale, constituée surtout de marchands et de gens de professions libérales, qui contestent les privilèges absolus des seigneurs. C’est l’affrontement entre la vieille élite coloniale et une nouvelle classe sociale émergente, la bourgeoisie. Certains, de cette nouvelle classe, réclameront la fin des privilèges et la constitution d’un pouvoir légitime…on exige l’abolition du régime seigneurial. Le tout, nous conduits aux troubles de 1837-38 dans le Haut-Canada (Ontario) et le Bas-Canada (Québec). Les Patriotes sont réprimés dans le sang. Cependant, leurs idées survivent et en 1854, on décide de l’abolition du régime seigneurial.  Dès lors, les seigneuries et paroisses se constitueront graduellement  en municipalité. On officialise le tout en 1855 avec la passation de la loi transformant les anciennes paroisses en municipalités. C’était la fin du règne absolu du pouvoir seigneurial, maintenant on allait élire nos maires!

 

 

L’île Jésus… de seigneurie à ville de Laval

 

L’île Jésus a connu plusieurs étapes et transformations avant d’être ce qu’elle est aujourd’hui.

 

À l’origine, les Jésuites reçoivent l’île en 1636 et en est le premier seigneur. Ne l’ayant pas développé, ils la perdent au profit de François Berthelot, conseiller du roi, en 1672. Berthelot l’échange en 1675 à monseigneur de Laval qui lui offrira l’île en don au séminaire de Québec en 1680. Le séminaire est le quatrième, mais aussi le premier réel seigneur de l’île. Sous l’auspice du séminaire une première paroisse est créée en 1721, Saint-François. Puis apparaît Sainte-Rose en 1740, Saint-Vincent-de-Paul en 1743, Saint-Martin en 1772 et Sainte-Dorothée en 1869. À partir de ces cinq territoires allaient s’opérer des subdivisions en leur sein. Pour donner naissance à des nouvelles municipalités : Pont-Viau, Duvernay, Laval-des-Rapides, Auteuil, Fabreville, Laval-sur-le-Lac, Saint-Elzéar (Vimont), l’Abbord-à-Plouffe, Renaud, village Plage Laval (Laval-Ouest).

 

 

 

 

Cette vague de démembrement suit le mouvement d’urbanisation du territoire. L’entrée des ponts à des endroits comme à l’Abbord-à-Plouffe, à Pont-Viau et Laval-des-Rapides entraînera l’urbanisation de ces anciennes paroisses. Certains services seront de plus en plus essentiels comme l’aqueduc, des égouts, des chemins asphaltés, etc. Dans ces anciennes paroisses qui étaient très grandes, il y avait une majorité de cultivateurs qui étaient peu enclins à payer pour des services destinés aux nouveaux arrivants. Ce qui explique cette vague de démembrements. Ces démembrements se sont effectués sans référendum, c’était une simple requête du conseil de comté que l’on acheminait à Québec qui passait la loi. Ce phénomène se poursuit jusqu’en 1960 où le développement domiciliaire est en plein essor sur l’île Jésus.

Au tournant du 20e siècle, l’île Jésus est découverte par les montréalais à la recherche d’endroits pour la villégiature. Ses rives furent envahies de résidences saisonnières amenant une population saisonnière. L’amélioration des moyens de transport aida à fixer cette nouvelle population progressivement de manière permanente. Ce qui amena de nouvelles concentrations villageoises et urbaines provoquant lentement d’abord, puis de façon accélérée, le démembrement et la multiplication des paroisses et des corporations municipales. Aux fonctions agricoles, artisanales et de négoce, venait s’ajouter une fonction de loisir qui évoluerait en fonction résidentielle et transformerait bientôt sa population rurale en population urbaine.

 

Suite à la Deuxième Guerre mondiale, une explosion démographique provoqua un mouvement de population de la métropole vers l’île Jésus. Sur une quinzaine d’années, la population quintupla. Ce qui provoquera l’éclosion de municipalités à même les anciennes. Cette croissance accélérée finit par faire éclater des structures rendues désuètes et inadéquates. Durant cette période, les paroisses se morcellent aussi : de nouvelles paroisses et églises surgissent.

 

À l’arrivée des années 1960, un renversement de tendance apparaît : un virage vers un remembrement. Cette tendance démontrait une certaine réconciliation entre citadins et ruraux. Durant cette période, on voit une horde de promoteurs immobiliers anxieux de développer. Cette pression des promoteurs suffit à démontrer l’urgence de procéder à un remembrement. Le tout mena à la fusion des quatorze municipalités existantes le 6 août 1965 qui créait la Ville de Laval. Malgré tout, une bonne partie du territoire était déjà entre les mains de spéculateurs immobiliers depuis plusieurs années.

 

Saint-François l’exception…

 

Saint-François-de-Sales devient municipalité en 1855 et son premier maire est Jean-Baptiste Persillier dit Lachapelle.

 


En 1901, on trouve peu de services à la population en raison de la quasi-inexistence de professions libérales : notaires, médecins, marchands, etc. En fait, l’économie de Saint-François était fortement intégrée à celles des bourgs environnants : Terrebonne, Lachenaie, Saint-Vincent-de-Paul, Rivière-des-Prairies… En ce début de 20e siècle, l’exploitation des carrières, la culture céréalière et l’industrie laitière florissante sont le fer de lance de l’économie de Saint-François. On y retrouve aussi un centre de villégiature, il y avait plusieurs résidences d’été appartenant à des citadins.

 

 

Vers 1950, l’agriculture connaît un large mouvement de spécialisation : 95% des exploitations agricoles sont des industries laitières.

 

La paroisse de Saint-François-de-Sales s’étend aujourd’hui sur 20 km le long de la rivière des Mille-Îles et sur 3 km le long de la rivière des Prairies. C’est en 1956 que la paroisse est scindée en deux pour fonder la paroisse Saint-Noël-Chabanel, la deuxième paroisse de Saint-François. Depuis sa création en 1721, Saint-François n’a connu aucun démembrement.

 

En conclusion, à l’origine sur l’île Jésus l’autorité est constituée en un système centralisé avec un seigneur (le Séminaire de Québec) puis est passée à une multitude de municipalités pour ensuite revenir à un pouvoir central avec la fusion de 1965. Ainsi aujourd’hui, peut-on appeler monsieur le maire, « monseigneur »?

 

 

Septième chapitre  – Le patrimoine bâti et l’héritage historique de Saint-François

 

Le patrimoine bâti de Saint-François est un témoin éloquent des diverses pages de l’histoire de ce secteur : Des habitations comme les maisons Thibault et Therrien, les vestiges du vieux moulin et les routes comme la montée du Moulin puis les boulevards des Mille-Îles et Lévesque, nous rappellent la période du régime français et de l’époque du Domaine de la Ferme à la pointe est de l’île (1702 à 1807). Tandis que l’église, le pont de Terrebonne et la carrière de Saint-François, nous rappelle la suspension de la paroisse en 1807 et sa renaissance en 1844.

 

À la « berge Olivier-Charbonneau », à l’extrémité est de l’île, on y retrouvait les premières constructions et concessions de l’histoire de l’île Jésus. Vers 1670, on fonde le Domaine de la ferme : il y avait une ferme, un manoir, et plus tard une première église (1706).

 

À la « berge du Vieux Moulin », à l’angle du boulevard Lévesque et de la montée du Moulin, les vestiges de pierre de l’ancien moulin de 1716 nous renvoient à l’origine de l’histoire du peuplement de l’île de Laval. Ce moulin à farine fut le cœur de ce premier noyau villageois de la première paroisse de l’île Jésus.

 

La paroisse est créée officiellement en 1721.

 

Les premiers chemins sont érigés dans les années 1730 : Lévesque, des Mille-Îles, Montée du moulin…

 

 

Parmi les rares bâtiments intacts datant de l’époque de la Nouvelle-France et de la première époque de Saint-François (1706 à 1807), nous retrouvons aujourd’hui la maison Charbonneau et la maison Therrien :

  

La maison Charbonneau est située à l’est de la montée du moulin, au 8740 des Mille-Îles. Elle fût construite vers 1736 sur un terrain concédé à la famille Charbonneau en 1711. Vers 1830-1850, on y ajoute un larmier et la galerie à l’avant. La demeure abrite des Charbonneau jusqu’en 1878. Des Chartrand habiteront cette demeure aussi.

 

La maison Therrien est située près de l’avenue Tourville, au 9770 des Mille-Îles. Elle fût bâtie vers 1722. Tout comme la maison Charbonneau, elle s’inspire de la maison rurale française de l’époque. Un bâtiment annexe est adossé sur la partie ouest de la maison. Il s’agit probablement d’une remise, lieu de résidence temporaire d’employés lors des récoltes, etc. Une série de modifications survient en 1934 : la toiture est prolongée d’un larmier et le tout recouvert de tôle. Puis la pierre extérieure est recouverte de crépi, donc blanchi. En 2007, une restauration du bâtiment redonne certains éléments d’origine au bâtiment : toiture aux dimensions d’origine et couverte de bardeaux de cèdre; fenêtres à petits carreaux; et la pierre extérieure retrouve son apparence d’origine, i.e. sans crépi.

 

 

La création de nouvelles paroisses comme Sainte-Rose (1740), Saint-Vincent-de-Paul (1743) et Saint-Martin (1774) puis l’arrivée d’un nouveau moulin (1772) plus à l’ouest changera tout : rapidement Saint-François deviendra la paroisse la moins populeuse de l’île; le nouveau moulin du Crochet sera plus imposant, plus performant et finira par faire déplacer le pôle économique de l’île vers l’ouest.

 

Au début du 19e siècle, une série de choses mèneront à la fermeture de la paroisse pendant près de 40 ans. Le culte à Saint-François est en souffrance puisqu’on vient de perdre le curé Pierre Marchand, décédé. Puis, l’église nécessite d’onéreuses réparations…et même trop coûteuses pour le nombre de paroissiens. S’ensuivent des discussions sur la relocalisation de l’église, mais personne ne s’entend. Alors, la paroisse est supprimée en 1807.

 

En 1834, on construit le pont de Terrebonne. Ce qui provoquera une certaine activité à proximité du pont du côté de Saint-François. Plusieurs terres sont habitées ou mises en exploitation. Dans ce qu’on appelle le « Domaine devant Terrebonne », une terre est achetée à un dénommé Augustin Cardinal, où y construira une nouvelle église entre 1847 et 1851. La paroisse est rétablie en 1844.

 

On a pratiquement la certitude qu’aucun architecte n’a signé les plans de l’église. On croit qu’en raison du peu de moyens de la paroisse que l’évêque Bourget est soumit un plan type. Les travaux sont confiés à un entrepreneur dénommé Pelletier. Les travaux vont de 1847 à 1851.

 

En 1894, on rénove et agrandit l’église. Pour se faire, on emprunte les plans de l’église de Rivière-des-Prairies, construite entre 1875 et 1879 selon les plans de l’architecte Victor Bourgeau.

 

À partir du milieu du 19e siècle, l’exploitation de carrières débute à Saint-François. Cette activité sera le fer de lance de l’économie avec l’industrie laitière. L’expansion du réseau ferroviaire qui a besoin de pierre pour servir de ballast sous les rails et la progression du réseau routier qui nécessite cette même pierre pour faire des routes donnera élan et dynamisme aux carrières de Saint-François.

 

Le raccordement de Laval à Montréal par des ponts à partir du milieu du 19e siècle, secondé par l’introduction de l’automobile amènera en premier des résidents temporaires, des villégiateurs. Plusieurs demeures de Saint-François étaient au départ des chalets. Avec l’amélioration du réseau routier et des progrès de la voiture, ces vacanciers s’établiront en permanence. Ce qui nécessitera des modifications à ses chalets pour qu’ils deviennent des résidences permanentes.

 

Conclusion

 

Certains de ces vacanciers qui se sont établis en permanence étaient probablement vos parents ou grands parents.

 

Le nouveau pont de la 25 changera bientôt le visage de Saint-François. Ce nouveau pont ouvrira de nouvelles routes et de nouvelles pages de l’histoire. Malgré que le progrès soit parfois nécessaire, ceci nous rappelle qu’il faut se souvenir…

 

 

 

Bibliographie et références iconographiques  

 

 Paroisses et villages anciens de Ville de Laval : étude ethno-historique et architecturale / [équipe de recherche historique et de rédaction, Gaston Chapleau... et al.]  Éditeur    [Laval] : Société d'histoire et de généalogie de l'Île Jésus, [1995-1996]   Description    5 vol. : ill., cartes ; 28 cm

 

  L'administration de la seigneurie de l'Île Jésus au xviiie siècle / par Sylvie Dépatie. Éditeur    [Montréal : S. Dépatie], 1979.  Description    viii, 178 f. : cartes, graph.

 

 

  Histoire de raconter les carrières de l'île Jésus / [coordination, Service de la vie communautaire, de la culture et des communications de la Ville de Laval, Lysanne Gendron, Carole Gamache ; recherche, rédaction, Suzanne Commend d'après les recherches réalisées par Jean-François Larose] Éditeur    [Laval : Route du patrimoine de Laval ; Québec : Villes et villages d'art et de patrimoine, 2009]  Description    32 p. : ill. (certaines en coul.), cartes ; 23 x 10 cm
 

   Laval, entre deux âges / Marcel Paquette  Éditeur    Sainte-Foy : Éditions GID, impression 2002 Description    205 p. : principalement des ill. ; 26 cm
 

   Histoire de l'Ile Jésus de 1636 à Ville de Laval / Marcel Paquette. --
 Paquette, Marcel, 1949- Éditeur    Ville de Laval : Editions d'Antan, 1976 Description    183p. : ill., cartes, fac-sim., plans ; 25cm.
 

  Histoire de Sainte-Rose, 1740-1947 / abbé J.-U. Demers... Éditeur    [Québec (Province)] : [s.n.], [1947?]  Description    7, 392 p., f. de pl., f. de portr. : armoiries ; 26 cm.
 

  Aperçus historiques sur l'île Jésus / abbé J.-Urgel Demers... ; préface de Monsieur Lionel Bertrand...  Éditeur    [Montréal] : l'Atelier, 1957 Description    274 p., p. de pl. : plan, cartes ; 23 cm.
 

   La saga de Laval / Jean-Noël Lavoie en collaboration avec Charles Denis
 Éditeur    [Saint-Laurent] : Fides, cop. 1998  Description    254 p. : ill., portr. ; 23

 

Marcher et découvrir Laval / Laval : Ville de Laval [etc.], [199-] Description 21 cm

 

Analyse historique et architecturale sur le patrimoine lavallois : Île Jésus / [étude réalisée par la Ville de Laval dans le cadre d'une entente avec le Ministère des affaires culturelles] Éditeur    [Québec] : Pluram inc, 1981- Description    vol. : ill., cartes ; 28 cm

 

Répertoire d'architecture traditionnelle sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal : Éditeur Québec : Service, 1983.

 

Lieux patrimoniaux du Canada  : http://www.historicplaces.ca

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