Prison de Bordeaux
Ne passez pas Go! Allez directement en prison!
Dès 1891, on espère remplacer la vétuste prison du Pied-du-Courant. Le premier ministre provincial d’alors, le libéral Honoré Mercier et son gouvernement font l’acquisition de deux terrains dans l’ancienne municipalité de Bordeaux. Les plans du gouvernement furent contrecarrés par leur défaite électorale de la même année. Les libéraux reviennent au pouvoir avec Lomer Gouin en 1905. Avant de débuter les travaux, Charles-Amédée Vallée, qui fut le dernier gouverneur de la prison du Pied-du-Courant et le premier de celle de Bordeaux, voyagea aux États-Unis et en Europe afin d’étudier les divers régimes carcéraux. Pour l’architecture, il s’inspira de la prison de Saint-Gilles de Bruxelles en Belgique. Une fois fixés, les travaux débutent en 1908. On avait estimé la durée de l’ouvrage à deux ans. Il y eut un dépassement de deux ans, la prison est prête à entrer en fonction en 1912. La construction coûtera quatre fois plus cher que l’estimé de départ, c.-à-d. 2,5 millions de dollars…plus ça change plus c’est pareil! La prison s’inspire du style Beaux-arts très en vogue à l’époque. La caractéristique de ce style est la symétrie et les grands volumes. La prison possède une coupole en son centre qui dans l’architecture Beaux-arts situe habituellement le lieu où l’on retrouve des corridors menant aux principales pièces ou dans ce cas à toutes les ailes de l’édifice. La vision architecturale de la prison provenait de Charles-Amédée Vallée cependant la réalisation fut l’affaire de l’architecte Jean-Omer Marchand. Marchand réalisera aussi le bâtiment situé en face de la prison, l’hôpital Notre-Dame-de-la-Merci.
Pour le type de régime carcéral, monsieur Vallée avait été très impressionné par ce qu’il avait vu à Philadelphie. Il en importa le régime pennsylvanien où le détenu est confiné en isolement afin de favoriser la réflexion. Au départ, la prison avait la capacité d’accueillir 500 détenus. Aujourd’hui, on en compte 1200. Les détenus de la prison servent des peines de 2 ans et moins, ce qui crée un roulement important. Pendant une année, environ 4000 personnes y transitent. On peut compter plus ou moins 600 employés. Les détenus sont séparés en fonction de leur âge, ou bien qu’il s’agisse de récidiviste, etc. En raison du manque d’espace, il n’y a pas de telles mesures pour les prévenus qui sont en attente de jugement.
La prison a eu son lot « vedettes » : Wilbert Coffin, Jacques Mesrine, Richard Blass, Lucien Rivard, les frères Hilton, Stéphane Ouellette, Maurice « Mom » Boucher… Dans le macabre, il y a eu 85 exécutions entre 1912 et 1960. À partir de 1946, le gouvernement provincial centralise cette triste pratique à Bordeaux seulement. Les exécutions qui se faisaient par pendaison avaient lieu les vendredis soirs sur le coup de minuit donc dans les premières minutes de la journée du samedi. Rappelons-nous que Jésus fut mis en croix avec deux larrons un vendredi. Les exécutions avaient lieu dehors du côté de la rue Tanguay. La mort du condamné était annoncée par le son du tocsin, 7 coups pour un homme et 10 pour une femme. Il eut seulement trois femmes exécutées à Bordeaux.
En 1912, la prison souleva la colère des gens de Bordeaux quand ils ont découvert que les prisonniers possédaient un luxe qu’eux n’avaient pas : des toilettes munies de chasse d’eau! C’était le scandale des toilettes qui « flushent ».
Pour les groupes criminalisés, la prison représente un marché très alléchant pour l’écoulement de drogues. On relie à cette activité la mort des agents Diane Lavigne (26 juin 1997) et Pierre Rondeau (septembre 1997). Suite à ces troubles, Maurice « Mom » Boucher fut transféré à la maison Tanguay, pour y être placé en isolement. D’ailleurs, les gens qui habitent les alentours de la prison ont souvent témoigné avoir aperçu des étrangers s’introduire sur leur terrain pour y lancer des balles de tennis ou autres contenants vers les murs de la prison afin d’y faire passer des « bonbons » !
Le centre judiciaire Gouin fut construit en 2001 pour les jugements en lien avec la lutte aux gangs de motards criminalisés. Ce centre est relié à la prison par un passage sous terrain pour des raisons de sécurité.
Une émeute éclate en avril 1992 en réponse à une décision des autorités de couper de 50% les rations de tabac. Certains croient que les détenus auraient été inspirés par les émeutes de Los Angeles suite à l’affaire Rodney King et que la grogne à Bordeaux se serait ainsi matérialisée en émeute.
La prison n’a pas seulement des inconvénients pour le quartier : en 1921, le ministère de la Justice ordonne la construction d’une ligne tramways afin de conduire les prisonniers du palais de justice jusqu’à la prison. On y construisit deux tramways cellulaires blindés. Évidemment, ces véhicules blindés ne faisaient aucun arrêt en chemin! Des rails menaient jusqu’à l’intérieur des murs de la prison. Le tramway # 56 arrivait par Henri-Bourassa et descendait jusqu’à l’angle de Gouin et Poincarré. Où l’on retrouve toujours aujourd’hui une minuscule maison qui servit dès 1921 jusqu’en 1941 de salle d’attente pour les usagers du quartier.
On retrouve au 790 Gouin Ouest la maison de Pierre-Persillier Lachapelle. Elle est construite dans les années 1830. Connue aussi comme la maison du gardien. En 1834, Pascal-Persillier Lachapelle concède, à son fils Pierre, la terre qu’occupe aujourd’hui la prison.
Au 908 Gouin Ouest, on retrouve l’ancienne résidence du gouverneur de la prison. Construite vers 1910, elle logeait le gouverneur jusqu’aux années 1960-70 (?). Le terrain était entretenu par les prisonniers. C'est aujourd'hui une maison de convalescence.
Remerciements:
Robert Laurin et Alain Poudrette.
Bibliographie:
- Cahier d’histoire du Sault-au-Récollet; Société d’histoire et de conservation
du Sault-au-Récollet.
- « Les origines de la prison de Bordeaux »; Pierre Landreville et Ghislaine Julien; 1976.
- « Cent ans de transport en commun motorisé », Robert Prévost.
- « Mon tour de jardin »; de Robert Prévost.