Gouin, son patrimoine matériel et immatériel...

 

Montréal-Nord est issu de l'ancien territoire du Sault-au-Récollet. Plusieurs chemins que nous empruntons aujourd'hui sillonnaient ce secteur depuis la Nouvelle-France. Le boulevard Saint-Michel remonte à 1705, la rue Jarry à 1699 et le chemin auquel nous allons nous intéressés le boulevard Gouin vers 1734.

 

La maison Ambroise-Cazal (4765 Gouin Est) construite vers 1750. nous rappelle la maison de ferme de l'époque du régime français. Les colons n'ayant pas connu la rigueur des hivers canadiens en France se construisent des habitations selon les connaissances qu'ils avaient. Habitation bâtie à ras le sol causant deux problèmes: Premièrement, en hiver, la porte était bloquée par la neige s'étant accumulée à l'extérieur ou entrait dans la maison si la porte s'ouvrait vers  l'intérieur. Puis, le sol est continuellement exposé au froid et à l'humidité. La toiture à deux versants déborde peu ou pas les murs entraînant la neige  à s'accumuler près des murs et de la porte.

 

 

    Après la défaite française en Amérique (1760-1763), la colonie devient possession anglaise. L'élite économique, administrative et politique changera de française à anglaise. Les architectes et ingénieurs provenant d'Angleterre de cette époque s'inspiraient  grandement de l'antiquité Greco-Romaine. Cette influence ne se fera pas clairement ressentir avant le 19e siècle. Plusieurs constructions après la Conquête conserveront les caractéristiques de la maison coloniale française. Dans l'inspiration anglaise, les ouvertures (portes et fenêtres) se disposeront en symétrie. Quelques constructions telles que la maison Jean-Baptiste Guilbault construite vers 1816 (4065 Gouin Est), la maison Jean-Louis Pigeon construite vers 1790 (4375 Gouin Est) et la maison Laurent Guilbault construite dans la première moitié du 19e siècle (4525 Gouin Est) conserveront certaines caractéristiques de la maison coloniale française par l'asymétrie des fenêtres.

 

La maison Brignon-dit-Lapierre (4251 Gouin Est) construite vers 1770 fut grandement modifiée en 1814: une de ses fenêtres fut remplacée par une porte créant ainsi une symétrie dans ces ouvertures. Lors de ces modifications, les pierres de façade furent remplacées par des pierres de taille (pierres à surface lisse). Ce type de pierre est apparue à partir du régime anglais au Québec.

  

 

   À partir des années 1870, apparaît le style architectural néo-Queen Anne en l'honneur de la reine Anne Stuart  qui a régné sur l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande de 1702 à 1714. Le style se caractérise par une toiture de formes discontinues, une partie du bâtiment en saillie (pavillon ou tourelle) et une galerie en forme de "L" couvrant la façade et un des côté de la construction. Issu de la maison rurale écossaise ses matériaux sont de bois, mais en Amérique les matériaux vont varié selon le milieu: le bois en milieu rural et la brique dans l'urbain. Nous pouvons en citer deux en exemples: La maison Edmond-Valade construite vers 1913 (4085 Gouin Est) et la maison François-Jubinville construite vers 1911 (12094 L’Archevêque).

 

Le nord-est de l'île s'urbanise surtout après la 2e guerre mondiale, mais ce phénomène est perceptible dès le début du 20e siècle. Lors de la vague de migration qui verra un nombre important de ruraux se déverser dans les villes à partir de la moitié du 19e siècle jusqu'à la 2e guerre apparaissent le logement ouvrier et les maisons à appartements. Où chaque demeure possède sa propre porte d'entrée pour donner l'impression à son logeur qu'il est chez lui. Nous en retrouvons un bel exemple au 4565-4567 Gouin Est (construit vers 1914). À partir de 1910, à Montréal, la municipalité exigera qu'il n'y est qu'une seule porte menant à un portique intérieur qui lui mène aux portes de chaque appartement.

 

À la fin du 19e et au début du 20e siècle, l'établissement du chemin de fer se concrétise et l'efficacité grandissante du service des postes permet la création d'outil comme le catalogue. Accompagné de la mécanisation de la production de biens de tout genre, l'achat de pièces préfabriquées rend possible la construction de maisons "modèles"...tel que vu en magasin!

 

Non seulement, le boulevard Gouin avec son patrimoine bâti peut nous raconter l'histoire de Montréal-Nord, mais il peut nous dévoiler celle du Québec...de la Nouvelle-France à aujourd'hui! Les maisons peuvent nous parler, mais il faut être en mesure de prendre le temps de les écouter! Elles sont un patrimoine matériel, mais aussi immatériel à la fois puisqu'elles sont un témoignage d'un savoir faire d'autrefois.

 

Pour approfondir vos connaissances sur l'architecture traditionnelle et patrimoniale un auteur est incontournable: Yves Laframboise.

 

- "La maison au Québec, de la colonie française au 20e siècle" de Yves Laframboise (2001)

- "Belles maisons Québécoises" de Yves Laframboise (2007)

- "Intérieurs Québécois" de Yves Laframboise (2003)