Mythologie, contes, légendes au Canada-français
MYTHOLOGIE DU DIABLE AU CANADA
Au travers de l’histoire populaire canadienne-française, le folklore a souvent suivit le même chemin que la population de la Nouvelle-France. Tout comme eux, le folklore des premiers canadiens a une origine et il s’est adapté à un nouvel environnement. Dans ce processus, le folklore provenant de France prenait peu à peu des airs de folklore typiquement canadien. Progressivement, la culture canadienne se différenciait de la culture française malgré les apports indéniables de cette dernière. Grâce à un tel cheminement, il devenait de plus en plus évident à partir du XVIIIe siècle qu’une nouvelle collectivité naissait...qui se savait française mais d’Amérique. Sa population venait de passer plusieurs étapes déjà: elle avait été colon...puis « habitant » pour en arriver à un produit d’une société française d’Amérique, le canadien.
Pour voir comment la culture et le folklore français s’est métamorphosé, il est essentiel d’examiner comment ces français d’Amérique avaient composé avec leur nouvel environnement. Dans le sujet qui nous intéresses, c’est-à-dire le Diable, commençons a prendre connaissance de ces particularités françaises (et européenne). Dans les contes et légendes médiévales, le Diable avait la capacité de se métamorphoser sous diverses apparences: humaine, animale, hybride, nain ou accompagné de petits lutins (ou gobelins et autres), etc. Dans les légendes, on le rencontrait très souvent dans une forêt. Fait banal, mais la forêt était associé à des sentiments tel que la crainte, la peur et l’insécurité. Depuis longtemps, les forêts européennes reculaient constamment devant le développement des villes et des cités. Bref à la Renaissance les forêts étaient de plus en plus rares. Rapidement, la forêt, comme la noirceur, devenait plus mystérieuse et insécurisant dans l’imaginaire des gens. Dans une vision culturaliste et dualiste, elle était devenue associé au mal.
Alors, les premiers habitants de la Nouvelle-France se retrouvaient entourés de forêt à perte de vue. Dans plusieurs sources du début de la colonie (contes, légendes, récits de jésuites, et autres) la forêt canadienne était habité par le mal et/ou par l’enfer, sinon de l’être elle-même. À plusieurs reprises, les amérindiens étaient décrits comme étant des créatures du mal... Dans le folklore populaire écrit et oral, la forêt était habité par des loups-garous, bref par des bêtes hideuses! Après quelques années et quelques générations, les habitants de la Nouvelle-France avaient commencé à amadouer les nouveaux éléments qui les entouraient. Ainsi, dans les légendes le Diable quittait progressivement la forêt. Appelé Satan également, il devenait davantage une représentation de la morale cléricale au Canada. On le retrouvait, plus tard dans l’histoire, sous les apparences d’un voyageur, ou d’un homme beau et grand, ou d’un séducteur et souvent vêtu de noir... Bref, il ne faisait plus usage de la métamorphose. Dans les légendes canadiennes, il devenait de moins en moins facile à berner...même dans certaines légendes il était le vainqueur.
Malgré le nouveau moule qui transforma l’image du Diable, certaines caractéristiques sont demeurées. Le Diable canadien et européen s’attaquait souvent à une symbolique. Celle de la pureté, souvent représenté par une jeune fille. Il tentait régulièrement de séduire ou d’envoûter une jeune fille par la danse, la musique et autres libertinages désapprouvé par le clergé canadien. Une autre caractéristique était demeurée aussi, le Diable était souvent défait par des personnages pieux, austères...bref bons. Ces personnages étaient généralement représentés par un vieillard, un curé, un hermite, etc.
Concrètement pour parler de légendes (!) qui ont impliqué le Diable voici quelques exemples... À Trois-Pistoles où l’on construisait une église, malgré qu’il manquait un peu de tout (chevaux, hommes, outils, etc.), il y apparut un cheval noir. Le curé du village trouvait la bête mystérieuse et anormale...Ainsi il attelait et attachait la gueule du cheval avec une étole bénite. Ensuite il ordonnait aux ouvriers de le faire travailler très durement sans jamais défaire la bride, c’est-à-dire l’étole. Alors qu’il ne restait qu’une pierre à poser, un ouvrier décidait d’aller faire boire le cheval. Puisque la bête semblait complètement épuisée. Il retirait donc l’étole qui servait de bride et dès lors le cheval se gonflait pour aller ensuite se jeter dans le fleuve sans y ressortir. Apparemment que la dernière pierre retombait à chaque fois qu’on essayait de la poser pour terminer la construction de l’église.
Cette anecdote comme d’autres s’insère dans la croyance de pactes faites avec le Diable. Dans la construction de certaines églises au Québec, il y aurait des pactes fait avec Diable pour solliciter l’aide de ce dernier à la construction. En échange, le Diable demandait que la première personne qui entrerait dans la nouvelle église devienne sa propriété. Pour le berner, intentionnellement on ne terminait pas complètement les travaux de l’église. Soit disant, il y aurait eu 22 églises au Québec construites avec l’aide du Diable dont celle de Trois-Pistoles.
À l’Islet, il y a eu la célèbre histoire de Rose Latulippe. Légende qui raconte l’histoire d’une soirée dansante qui se déroulait chez la famille Latulippe. Cette soirée fut témoin de l’arrivée d’un voyageur inconnu qui s’était joint à la fête. Cet inconnu était un homme grand, de belle apparence et bon danseur...Il s’agissait du Diable revêtu tout de noir. L’invité aurait envoûté toute la compagnie et les musiciens qui ne pouvaient plus arrêter de danser et de jouer. La jeune Rose Latulippe que l’inconnu avait invité à danser ne pouvait plus quitter son partenaire de danse. L’histoire se terminait avec l’intervention du curé du village qui avait dénoté que la soirée dansante se poursuivait malgré l’heure tardive qu’il était. Ce dernier, une fois arrivé sur le site, avait constaté la présence du Diable... grâce à son attirail de « servant de Dieu » avait fait disparaître l’homme vêtu de noir... sûrement grâce à quelques gouttes d’eau bénite bien placées.
Une autre histoire, qui se déroulait à Rigaud, a retenue l’attention. Précisément dans « Le champ du Diable » il y aurait eu un agriculteur habitant ce site. Cet homme avait été souvent sermonné par le curé de l’endroit pour qu’il cesse de travailler le dimanche. Le curé après trois avertissements lui annonçait un grand malheur s’il récidivait à nouveau. Un dimanche matin, l’agriculteur se rendait au champ pour besogner. Mais a sa stupeur, il avait découvert que toutes ses pommes de terre s’étaient pétrifié en pierre! En bref, cette légende peut provenir du principe ethnologique suivant: Les lieux mystérieux demandent tous des explications... ce qui inspira l’imaginaire collectif d’une population.
D’autres histoires, comme celle de la bagarre du bonhomme Tassé avec le Diable aux Forges du Saint-Maurice, ont marqué l’imaginaire collectif de plusieurs générations canadienne-françaises.
MYTHOLOGIE ET FOLKLORE DE LA NOUVELLE-FRANCE
Le folklore canadien-français a souvent prit racine dans l’influence des cultures amérindiennes et françaises (métropolitaine et terroir). Dans l’histoire de la Nouvelle-France, les exemples sont nombreux: feux-follets, chasse galerie, etc.
Par exemple en 1660 à Beauport, un cas de sorcellerie avait été rapporté. Il s’agissait d’un meunier dénommé Vuil qui avait ensorcelé une jeune fille de 16 ans (Barbe Hallé). Le meunier s’était vu refuser l’accès au coeur de la jeune fille. On prétendait qu’il lui avait jeté un sort pour se venger de ce refus. Dès lors, la maison de la demoiselle était, soit disant, habité par des démons et de mauvais esprits... Des objets à l’intérieur de la maison se mettaient à voltiger dans les airs, de plus, ces objets passaient au travers des gens sans les blesser! À d’autres moments, la jeune fille était victime de visions étranges: des démons sans doute qui lui apparaissaient sous diverses formes (humaines, animales et autres formes hybrides). Ce n’était pas tout, elle était aussi victime de possession. Parfois les mauvais esprits parlaient par l’intermédiaire de sa propre bouche.
Pour venir à bout de cette situation, on fit déménagé la petite Barbe Hallé dans une autre maison... puis dans une autre maison... puis dans une autre maison encore, etc. Rien à faire, les esprits la suivaient partout. On fini par la placer au Couvent des Hospitalières de Québec. Pour ainsi, la mettre à la charge de la mère Catherine de Saint-Augustin. Cette dernière tenue tête aux démons en préservant la jeune fille de leurs tourments. Conséquemment, la religieuse provoquait la colère des démons qui l’ont battue sévèrement... Les ecchymoses qu’elle portait étaient la preuve de ses furieux combats. Ce dernier cas relevait typiquement du phénomène des « mouches noires » ou des « feux-follets ».
Une des légendes les plus connues chez les canadiens-français est celle de la « chasse galerie ». Qui provenait sans doute de la région du Poitou en France. Cette région, pendant le Moyen Âge, avait été une possession anglaise et durant cette période avait été habité par un certain seigneur de Gallery. Ce dernier commettait toutes les exactions possibles ce qui choquait les habitants de cette région. Par exemple, il tenait des parties de chasse les dimanches lors de la messe... sacrilèges! Le sire de Gallery aurait été condamné, une fois mort, a chassé la nuit pour le reste de l’éternité. Il est à savoir que la région du Poitou avait fournie un grand nombre de colons pour peupler la Nouvelle-France. Donc, il serait possible que ses colons aient emmené avec eux cette légende dans le nouveau monde.
Le Père Le Jeune mentionnait que plusieurs personnes avaient témoigné et avoir vu des canots voltiger dans les airs. Ces observations furent rapportées lors des secousses sismiques qui eurent lieu pendant la guerre franco-iroquoise.
D’autres événements, on retenu l’attention. Par exemple en 1694, où des démons faisaient un « charivari » bruyamment devant l’Hôtel-Dieu... en se promenant chandelle à la main. Ces petits démons ou lutins tenaient également leur cérémonial dans le grenier de l’Hôtel-Dieu: produisant un vacarme très indisposant et effroyable. Pendant plusieurs heures, on les entendait et on les voyait rouler un tonneau, courir comme un cheval, renverser et couper des planches de bois. Phénomène qui semait la crainte parmi les passants, surtout puisque certains d’entre eux avaient témoignés que ces démons étaient de formes humaines... mais sans têtes!
Parmi les divers récits de possessions et d’ensorcellements, aucun n’était aussi particulier que le suivant. Il relate l’histoire de l’ensorcellent d’une... serrure !? Au coeur de cette histoire, on retrouve le personnage de Catherine de Saint-Augustin (encore!). En 1697, la serrure de la chapelle des Hospitalières de Québec était habitée par des petits démons qui s’étaient résolus d’y tenir sabbat pour ensuite lancer un sort aux hosties. La religieuse s’était rendue à la chapelle pour y verrouiller la porte mais elle avait aperçue qu’il y avait un petit démon dans la serrure. Pour déloger l’intrus, elle avait soufflé dans la serrure... son soufflet lui fit renvoyé avec tant de force qu’elle eue l’impression d’être solidement frappé au visage. Malgré tout, son astuce avait fonctionné, les démons s’étaient retirés et n’avaient pu accomplir leurs vilains desseins.
Dans l’histoire du régime français, il n’y eut très peu de purges ou d’exécutions en raison de sorcellerie. En 1661, il y avait eu une exécution de ce genre. Elle était reliée au récit de l’ensorcellement de la petite Barbe Hallé par le meunier Vuil à Beauport. Cette histoire à nos yeux (d’aujourd’hui) semble se comparer davantage à une « inquisition » coloniale... c’est-à-dire une purge ou une épuration religieuse. Puisqu’on accusait le meunier de s’être parjuré lors de sa conversion au catholicisme romain. Car, ce dernier s’établit dans la colonie à une époque où la dissidence religieuse était inacceptable alors qu’il était de confessionnalité protestante (huguenot). À son arrivée au Canada, il avait du conjurer son appartenance religieuse. En 1661, il fut pendu pour avoir entre autre, blasphémé, profané les sacrements de l’Église et avoir simulé sa conversion.
Le loup garou
Mythologie
Par définition le loup garou est un phénomène d’une métamorphose d’un homme à un loup. Le loup a depuis très longtemps côtoyé l’homme. Tout comme l’ours, l’aigle, le cerf à qui on avait aussi prêté la capacité d’être le résultat de la transformation d’une forme humaine à une forme animale. Ailleurs dans le monde, nous retrouvons ce phénomène, en Afrique des cas d’homme léopard, en Asie d’homme tigre et en Océanie d’homme requin.
Le loup était craint puisqu’il a profité, lors des hivers rudes, de la faiblesse de certains : enfants, vieillards et femmes. Quoique ses victimes étaient généralement les enfants. Les histoires de loups mangeurs d’hommes proviennent généralement de périodes se situant lors de guerres, de famines, ou d’épidémies où la bête était attirée par les cadavres.
Depuis des siècles, le loup a été un concurrent du même gibier que l’homme. Avant qu’il devienne sédentaire, i.e. cultivateur et éleveur, il a été chasseur. La limite qui le séparait de l’animal était loin d’être définie. Dans son combat avec la nature, il rêvait de posséder les capacités d’un animal tel le loup. On retrouvait des sorciers qui célébraient ce carnassier afin d’acquérir sa souplesse, sa force et sa rapidité. Les chasseurs revêtaient des peaux de loup (ou d’ours) tout en mimant leurs mouvements. Quoique craint, le loup était vénéré pour ses qualités de chasseur.
Passant d’un mode de vie à un autre, l’homme passe de chasseur à agriculteur. Puis graduellement, l’image de l’homme se transformant en loup devint malédiction ou l’incarnation du mal en personne. Au fil des années, la représentation de l’homme loup commença à inspirer la peur.
À la christianisation de l’Europe, la transformation de l’homme en bête était considérée comme l’œuvre du Diable. L’image du loup était métaphoriquement opposée à celle du Gardien du troupeau. Comme les sorcières et les hérétiques, il fallait à tout prix les éliminer. Entre 1500 et 1700, des milliers de personnes ont été condamnés puis brûlés puisque suspectés d’être loup garou. Cependant, le loup a eu ses défenseurs, dont Saint-François d’Assise. Il avisa les paysans d’un village de campagne italien, de ne pas s’en prendre à une bête qui avait décimé les cheptels et trucidé les gens de la région. Il alla à la rencontre du loup, il fit un signe de croix et soumit la bête. Ainsi les villageois avaient retrouvés la paix. En échange, ils devaient nourrir la bête.
Un fait intéressant à mentionner, au 7e siècle, il était courant dans le nord de l’Europe de voir une pratique d’exclusion : un homme pouvait être banni de son village ou de son clan. Il devait vivre comme un loup parmi les loups. Chacun pouvait le poursuivre et l’abattre comme s’il s’agissait d’une bête. Le malheureux était obligé de se cacher dans la forêt. Ce qui alimenta la légende de l’homme loup. Des récits médiévaux font états de condamnés vivant en exclusion et par magie on prit l’apparence d’un loup. Dans un cas précis, un charpentier coupa la patte arrière d’un loup ce qui ramena la bête à une apparence humaine.
Faits rapportés de loup garou
Vincennes, Indiana (É-U.)
Lors de la présence française en Amérique, plusieurs marchands de fourrures et coureurs des bois se sont installés dans le futur état de l’Indiana près de la rivière Wabash. Ils ont apportés avec eux leur bagage culturel et folklorique. Dans les années 1930, on y a recensé plusieurs récits, dont des histoires de loup garou. Autant à Vincennes qu’à New York, le loup garou était quelqu’un qui se transformait en animal : loup, vache, cheval, etc. Se manifestant que la nuit, le loup garou pouvait être libéré par quelqu’un qui lui tirerait une goutte de sang. On retrace des histoires de loup garou en Indiana jusqu’au 19e siècle, où la bête fut abattue par une arme tirant des balles fabriqués en argent ou par des vieillards bien pieux grâces à leurs prières.
Les Bayous en Louisiane (É-U.)
Les loups garous en Louisiane on pour habitude de tenir sabbat près des bayous une fois par année à la veille de la Saint-Jean, le 23 juin. D’anciens récits les décrits comme étant comme des vampires : si ils vous mordaient et prenaient de votre sang, vous deveniez l’un des leurs. Ils étaient impossible de les abattre avec des fusils, les balles leurs passaient au travers. Cependant, ils étaient effrayés à la vue des grenouilles et ils prenaient en feu si on leur lançait du sel!
Au Québec
Plusieurs légendes font mention de phénomènes de métamorphose d’homme en bête.
À Saint-Ulric de Matane, il y a la légende du cheval noir qui aidé à bâtir une église. Il est amusant de constater que le même récit de cheval noir se retrouve à plusieurs autres villages québécois : à Trois Pistoles et à l’Islet entre autre. À Montréal, dans l’ancienne paroisse et village du Sault-au-Récollet, nous retrouvons la même histoire, à la différence qu’il s’agisse d’un cheval blanc!
Outre que le cheval, nous avons des cas de bœuf garou également à l’Anse Pleureuse où des gens avaient été encornés par un bœuf mystérieux. Lorsqu’un homme réussi à lui faire couler le sang, le bœuf avait reprit une forme humaine et pour s’assurer d’avoir conjuré le mauvais sort, l’homme bœuf alla se confesser au curé.