La maison Brignon-dit-Lapierre : un témoignage éloquent de l’histoire 

 

 

 

 

  

La maison Brignon dit Lapierre maintenant restaurée est un nouveau lieu de diffusion culturel dans Montréal-Nord et un témoin incontournable de l’histoire du secteur.

 

La maison se retrouve sur une terre qui fut concédée en 1722 à un certain Pierre Léger dit Parisien. Léger revendra sa propriété à Charles Charron en 1730. Puis, c’est en 1742 que Charles Guilbault en fera l’acquisition. Peu après, il construira une maison de pierre de 15 x 30 pieds. Maçon de profession, on doit à Guilbault la construction de la plus ancienne église de Montréal : l’église de la Visitation en 1751. Il fit donation de sa propriété peu avant sa mort en 1762 à son fils Pierre. Comme son père, il est maçon et on lui doit la construction de l’église Sainte-Rose qui fut présente de 1788 à 1856. Pierre et son épouse auront plusieurs enfants et l’on croit que c’est pour cette raison qu’on construisit une nouvelle maison de pierres vers 1770 pour y être plus à l’aise. Il s’agit de l’actuelle maison sise au 4251 boulevard Gouin est. Ses dimensions sont de 30 x 33 pieds.

 

Comme son père, il fit donation de la propriété à un dénommée Ambroise Cazal, qui était âgé de 60 ans, en 1806. Cazal fera donation à un certain Luc Brignon dit Lapierre en 1814. Comme dans les donations précédentes et qui suivront, le propriétaire qui fait don de sa propriété se garde le droit d’habiter une partie de la maison et exige du nouveau propriétaire une rente en espèce (farine, légumes, animaux de ferme, argent, etc.). Cette pratique permettait à un couple âgé de s’assurer une retraite relativement sécuritaire et donnait l’accès à une terre à un jeune couple. Dans l’entente de donation entre Luc Brignon dit Lapierre et Ambroise Cazal, Lapierre devait apporter des modifications à la maison pour faciliter la cohabitation : construction d’un mur intérieur séparant la maison en deux parties et l’ajout d’une porte en façade. Ainsi, la porte du côté ouest de la maison remonterait à environ 1814. Tandis que celle à l’est serait d’origine, c.-à-d. vers 1770. Lors de ces travaux, Lapierre remplaça la pierre de la façade par de la pierre de taille telle que l’on voit maintenant.

 

Toujours sur le même mode de transmission, la donation, la maison et la terre resteront dans la famille Brignon dit Lapierre jusqu’en 1912. Luc en fera don à son fils Pierre en 1847. Puis ce sont les fils de Pierre, Alfred et Alphonse qui recevront et se partageront la propriété jusqu’en 1912.

 

De la période de Charles Guilbault jusqu’aux frères Alfred et Alphonse Brignon dit Lapierre, la propriété aura une vocation agricole.

 

 

Le tramway désert le Sault-au-Récollet depuis 1894. Il sera prolongé en 1908 jusqu’à la rue Pigeon dans le Bas-du-Sault l’ancienne appellation de Montréal-Nord. Le territoire du nord-est montréalais commence à s’urbaniser. En 1912, la Cité de Maisonneuve entreprend les démarches pour établir une route interurbaine menant du fleuve jusqu’à la rivière des Prairies. Les travaux débutent en 1915. Le futur boulevard Pie IX est ouvert à partir de Rosemont jusqu’à la rivière des Prairies. Ceci ne fera qu’accélérer l’urbanisation du secteur. La vocation agricole de la région s’efface peu à peu. Des spéculateurs fonciers achètent ces terres agricoles qui étaient de très grandes propriétés. Par exemple, la propriété des Brignon dit Lapierre s’étendait de la rivière jusqu’à grosso modo le boulevard Industriel. Une fois achetées par les spéculateurs, les terres étaient subdivisées pour être revendues individuellement à des citadins. C’est dans ce contexte que Alfred et Alphonse Brignon dit Lapierre vendent leur propriété en 1912 pour la somme de 36 000.00$. Elle sera revendue à la Beaudin et Compagnie pour 58 000.00$. En 1913, Joseph-Arthur Champoux achète la maison et le terrain dans les dimensions actuelles. Champoux est un agent immobilier. On présume qu’il occupait un poste relativement important dans l’entreprise Beaudin et Compagnie, car l’actuelle rue Charleroi portait son nom : Champoux ! Le nouveau propriétaire apportera plusieurs modifications à la maison qui passa de maison de ferme à urbaine. La cloison intérieure qui divisait la maison est retirée. On ajoutera dans la toiture deux grandes lucarnes de quatre fenêtres continues à l’avant et l’arrière afin de gagner de l’espace dans le grenier. Puis, une petite aile sera ajoutée à la maison du côté est. L’ensemble de ces travaux semble avoir été fait vers 1914. Il existe que deux photographies de la maison. Une datant d’environ 1900 et l’autre d’environ 1940. Ces photos nous permettent de voir les modifications faites par Champoux, dont les lucarnes.

 

 

 

 

Par la suite, la maison fut revendue à quelques reprises. Puis c’est en 1987 que la ville de Montréal-Nord s’en porte acquéreur. En 1991, à l’abandon depuis, la maison sera dégarnie de l’intérieur afin de réduire les risques d’incendie puis on en fera le curetage.

 

Abandonnée pendant environ 20 ans, à la demande, présentée par le le président fondateur de la Société d'histoire et de généalogie de Montréal-Nord, Roger Lagacé, la maison Brignon-dit-Lapierre fut reconnue Monument historique cité sous le nom de Maison Brignon-Dit-Lapierre depuis le 17 septembre 2007 (juridiction municipale).

Sa restauration permet d’offrir à la collectivité un témoignage important de l’histoire de Montréal-Nord. Il s’agit d’une vraie renaissance !

Références bibliographiques et iconographiques

 

- Étude historique de la maison Brignon-Lapierre, 4251, boulevard Gouin Est ; par Alan M. Stewart et Valérie D’Amour ; 2006. – disponible en ligne:

http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/page/cons_pat_mtl_fr/media/documents/etude_historique_29_11_2006.pdf

- Montréal-Nord d’hier à aujourd’hui ; Comité d’histoire de Montréal-Nord ; 2000.

- Collection famille Lapierre