Ponts et traverses de la rivière des Prairies

 

 

La rivière des Prairies a été une source d’énergie grâce à la centrale hydroélectrique. Source de « froid » pour les marchands de glace et  les glacières à la maison. Moyen de transport pour les cageux à l’époque où la foresterie était le fer de lance de l’économie québécoise. Mais, elle a aussi été un obstacle à franchir.

Sur l’Île Jésus, à Saint-Vincent-de-Paul, on note la présence d’une traverse vers 1730 exploitée par Sébastien Rocan. Elle sera ensuite opérée par la famille Sigouin jusqu’aux années 1950. Elle atteignait le territoire du Sault-au-Récollet dans sa partie qu’on nomme Montréal-Nord depuis 1915. Un dénommé Michel Corbeil opère une traverse à partir de 1819 de Montréal-Nord à Saint-Vincent-de-Paul. À la fin du 19e siècle, ce traversier sera géré par la famille L’Archevêque jusqu’au début des années 1970. D’ailleurs, la maison du passeur Corbeil-L’Archevêque quoique modifiée et peu reconnaissable est toujours présente sur la rue L’Archevêque nommé en l’honneur de cette famille. Quand la famille Sigouin du côté lavallois cesse ses activités, les L’Archevêque y installe une jante d’automobile et un marteau. En cognant sur la jante, le passeur traversait la rivière pour aller chercher le voyageur. Le traversier a desservi les gens qui se rendaient au pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul. Plusieurs nord montréalais l’ont utilisé pour se rendre au centre sportif Laval (Colisée de Laval) à une époque où il n’y avait pas de patinoires intérieures à Montréal-Nord.

12 136, avenue L'Archevêque

 

Le pont Pie-IX est construit en 1937 dans le cadre des programmes de création d’emplois pour combattre la crise économique de l’époque. On avait planifié le construire depuis l’établissement du boulevard du même nom en 1915. Il aura un impact sur le développement commercial de ce boulevard. Pendant longtemps, les lavallois s’arrêteront sur le boulevard Pie-IX pour faire leurs emplettes en retournant à la maison du travail. Lors de l’ouverture de ce pont, la traverse L’Archevêque cesse de transporter les automobiles. Entre 1939 et 1965, ce pont change de nom et devient le pont Le Caron en l’honneur du père récollet Joseph Le Caron qui célébra sur la rivière des Prairies la première messe de l’histoire de Montréal le 24 juin 1615.

 

Pont Pie-IX en construction

 

Le premier pont à enjamber une rivière a été du côté nord de Montréal car la rivière des Prairies est plus étroite que le Fleuve Saint-Laurent donc plus facile techniquement à réaliser. Ce premier pont que l’on appelle Lachapelle est construit en 1836. L’entrepreneur Pascal Persiller dit Lachapelle opéra une traverse avant d’ériger ce pont. Cette traverse et ce  pont mèneront au développement des futurs villages de Cartierville à Montréal et de l’Abord-à-Plouffe à Laval. Lachapelle via sa traverse et son pont veut donner accès à son moulin du Gros-Sault sur l’Île Perry à Bordeaux. D’ailleurs, il fait afficher sur l’Île Jésus un imprimé invitant les habitants à emprunter sa traverse pour se rendre à son moulin. Il sera accusé par Lambert Dumont exploitant du moulin de Saint-Eustache de concurrence déloyale! Alors que Dumont offrait aussi d’utiliser sa traverse pour se rendre à son moulin (l’actuel moulin Légaré). Lachapelle était seulement coupable d’offrir un meilleur prix! En 1836, il remplace sa traverse par un pont. À ce moment, les ponts étaient à péages comme à l’époque des traversiers. À l’entrée du pont, on trouvait la demeure du passeur qui ouvrait la barrière. Comme à l’époque de la traverse, le passeur avait 15 minutes pour servir un voyageur durant le jour et 30 minutes la nuit. Un an après l’ouverture de son pont, Lachapelle pense à y mettre le feu! Il est parmi les meneurs du mouvement patriote dans la région et il pensait nuire aux déplacements des troupes britanniques qui choisiront finalement de franchir les rivières en marchant sur la glace. Le pont ne  fut donc pas incendié. À ce moment, les ponts sont construits en partie en bois et pierre. Le pont Lachapelle permet de relier deux importantes montées : les actuels boulevards Laurentien/Marcel-Laurin et Curé-Labelle qui existent depuis le début du 19e siècle.

Apparcence du pont de 1836

La deuxième structure installée en 1882

 

Pascal Persiller dit Lachapelle est à l’origine du deuxième pont de l’histoire montréalaise, le pont Viau érigé en 1847. Ce pont va créer un dynamisme économique à l’angle de Gouin et de la Montée du Sault (Lajeunesse) qui mènera à la création de la municipalité d’Ahuntsic. Comme le pont Lachapelle, il sera refait avec une nouvelle structure à plusieurs reprises. Lors de sa reconstruction de 1930, il n’atteindra plus la rue Saint-Hubert sur l’Île Jésus, mais l’actuel boulevard des Laurentides.

Pascal Persiller dit Lachapelle père

Pascal Persiller dit Lachapelle fils (!) fait construire en 1849 le pont des Saints-Anges qui sera démoli en 1874. Il était situé au nord de la rue Fort-Lorette dans le quartier Ahuntsic. Les voyageurs de bois (cageux) entraient souvent en collision  avec lui. L’importance du commerce du bois aura gain de cause et le pont sera supprimé. Des pierres de ce pont ont servi aux fondations de l’actuel presbytère de l’église de la Visitation construit en 1883. Entre 1968 et 1970, le pont Papineau Leblanc est construit plus à l’est du site de l’ancien pont des Saints-Anges.  Vue sur Google Maps.

Dans l’ouest, une traverse relie Sainte-Geneviève à l’Île Bizard à partir de 1790. L’hiver, on fait appel comme à bien des endroits au Québec...aux ponts de glace. Les ponts de glace sont entretenus tout au cours de l’hiver pour assurer leur sécurité. La neige est déblayée de la surface glacée afin que celle-ci s’épaississe et la neige est disposée en bancs de chaque côté du chemin. On plante dans ces bancs de neiges des conifères afin d’indiquer clairement le lieu de passage. Un premier pont apparaît en 1893, il était situé à l’ouest de l’actuel pont de l’Île Bizard à l’extrémité nord de l’actuelle rue Du Pont (Google Maps). Grâce à ce pont, les agriculteurs pourront écouler leur production dans les marchés montréalais avec un certain avantage : l’Île Bizard possède un climat qui permet aux récoltes de venir à terme plus vite qu’ailleurs dans la région. On pouvait donc être les premiers à offrir les fruits de ses récoltes dans les marchés! Ce pont sera remplacé par l’actuel pont de l’Île Bizard en 1966.

 

Premier pont de l'Île Bizard

À Rivière-des-Prairies, on trouve deux maisons ancestrales où les occupants ont opéré un service de traverse. La maison Bleau (13200 Gouin est) a été érigée vers 1732.  Puis entre 1851 et 1861 un bâtiment en déclin de bois est construit pour remplacer l'ancien en pierre sur les fondations d’origines. Il est rare de voir une structure de pierre être remplacée par une en bois. Cependant, le bois est mieux adapté au climat canadien. La terre est octroyée à Laurent Bleau en 1721. On y trouvait une maison de pieux de bois qu’il déménagera sur la berge de la rivière afin de servir de salle d’attente pour la traverse qui se rendait à Lachenaie. Cette maison de pieux de bois est rasée en 1923. Une traverse a été opérée à partir de la maison Christin-dit-Saint-Amour (12930 Gouin est). Joseph Christin-dit-Saint-Amour en fait l’acquisition en 1765. Il l’a légué en 1784 à son fils Joseph-Marie qui y fera ériger cette maison de ferme en pierre des champs. Son fils François en hérite en 1816. François exploite une traverse qui se rendait à Lachenaie. En hiver, on empruntait un « pont de glace ».

 

Maison Bleau (13200 Gouin est) et Maison Christin-dit-Saint-Amour (12930 Gouin est)

 

Le pont Le Gardeur est le premier pont à être construit à Rivière-des-Prairies en 1938.Il relie Montréal à Repentigny en enjambant l’Île Bourdon. Son nom est en l’honneur du seigneur de Repentigny, Pierre Le Gardeur. En 1967, on érige le pont de Lachenaie qui relie Montréal à cette municipalité. On change le nom en 1985 pour Charles-De-Gaulle en l’honneur du chef d’état français. Puis en 2011, c’est l’ouverture du pont l’autoroute 25 qui permet de relier le pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine à l’autoroute 440 à Laval. Ce pont à haubans se nomme Olivier-Charbonneau en l’honneur du premier colon de l’Île Jésus qui s’y installa en 1675. Ces ponts sont largement responsables de l'urbanisation de la rive de nord de Montréal où des villages deviendront des banlieues et la pression immobilière en feront éventuellement des excroissances de Montréal.

Dans l’ouest, plus précisément, dans le fief des maisons de villégiature de l’élite anglophone de Saraguay, on érige entre 1973 et 1975 l’autoroute 13 et le pont Louis-Bisson pour relier l’aéroport Dorval au nouveau aéroport de Mirabel. D’ailleurs, le pont destiné à relier deux aéroports a été nommé en l’honneur de l’aviateur Louis Bisson. Il a été durant la 2e guerre mondiale, le premier aviateur canadien à franchir l’Atlantique une centaine de fois. La construction de ce pont fera reculer les espaces naturels devant une urbanisation rapide. En réaction, des mouvements citoyens mèneront à la création de plusieurs Parcs nature, dont ceux du Bois-de-Saraguay et du Bois-de-Liesse.

Louis Bisson

 

Le pont Médéric-Martin ouvre à la circulation en 1958. Il est emprunté par l'autoroute 15 et la route Transcanadienne. Il a été nommé en l'honneur de l'ancien maire de Montréal Médéric Martin qui était aussi un homme d'affaire qui possédait une usine de cigares. Ce pont relie Cartierville à Laval-des-Rapides. À cette époque, la voiture est reine et roi à la fois dans la planification urbaine. Les ponts de cette époque au nord de la ville joueront un rôle majeur dans le développement urbain et immobilier des banlieues.

Médéric Martin

Dans l’ancienne municipalité de Bordeaux, on retrouve un pont ferroviaire construit en 1876 pour enjamber la rivière des Prairies en prenant pied sur l’Île Perry. Ce pont a été le résultat du travail du curé Antoine Labelle alias le Roi du Nord! Le « Petit train du nord » atteint les Laurentides afin de coloniser les Pays d’en Haut pour conter l’exode des canadiens-français dans le nord-est américain. Quoique le plan de colonisation soit un échec, on lui doit tout de même la fondation et la création de plusieurs municipalités de la région des Laurentides. À fin du 19e et au début 20 siècle,  cette ligne assouvira l’engouement de l’époque pour la villégiature. Dans les municipalités où le « Petit train du nord » passe, une gare apparaît et tout près de cette gare des hôtels. Bordeaux comptait plusieurs hôtels comme Sainte-Rose à Laval. Des vacances à Bordeaux ?

 

Le pont ferroviaire de Bordeaux et l'Hôtel de l'Île appartenant à la famille Picard

La gare de Bordeaux qui était située dans le stationnement actuel du restaurant "Le Bordelais". La gare ferme en 1977 et sera démolie en 1981.

 

Novembre 2020